Édito | Festival de Cannes Jour 6
Coucou, c’est les parisiens ! Petit détour par les studios, entre la météo et le journal en ce dimanche de fin de première semaine cannoise. Temps de pause, de respiration ? Pour nos envoyés spéciaux sur place, pas sûr, il faudra leur demander ; pour nous, de retour à la normale, à notre rythme. Car on a beau vouloir se convaincre du contraire – par FOMO refoulé ou par relativisme chancelant, c’est selon –, on ne peut pas grand-chose contre l’excitation, l’accélération du quotidien cinéphile quand commence la grand-messe. C’est plus fort que nous, on regarde la soirée d’ouverture, on scrute la compétition, on guette les polémiques, bref, on n’échappe pas à l’héliotropisme de la Croisette. Alors donc, respirons. Car dans le quotidien de la cinéphilie, Paris ressemble à s’y méprendre à un Cannes toute l’année, sauf qu’au lieu de courir entre le Cinéum, la salle Debussy et le GTL, on essaye de jongler entre les cycles présentés à la Cinémathèque, les rétrospectives de la sacro-sainte rue Champollion et la récente découverte de Stanley Kwan, les avant-premières, les ciné-clubs, au gré desquels on a par exemple pu récemment rencontrer Antoine Reinartz et bien sûr Arnaud Desplechin…
Vissé à la capitale, je me rends compte que suivre le festival à distance nous laisse reprendre le contrôle, doser, entre l’impatience de voir les films, de bondir sur les retours à chaud de Nicolas, Grégoire, Jérôme Morris, Corentin, Alice et Zoé, et un sentiment de décélération. Car il y a aussi quelque chose de reposant à voir d’un œil curieux mais distant, intrigué mais amusé, les critiques se déchirer sur Megalopolis ou Kinds of Kindness sans urgence à se positionner, serein dans le fait de savoir que les films viendront à nous à leur rythme et donc au nôtre. Plus encore : on lit leurs SMS à chaud, on écoute leurs notes vocales essoufflées, on se penche sur leurs textes avec un vrai intérêt, aussi parce qu’on a le temps de les oublier, dans les semaines où les mois de battement entre montée des marches et programmation à l’UGC des Halles. Un moyen de justifier l’écart fait à une habitude (voire une discipline psychorigide) personnelle qui ne lit les textes qu’après avoir vu les films en question…Pendant ce temps là, les rétrospectives continuent, les curiosités aussi. Je m’en serais presque voulu, après la découverte enchantée des Maîtres du Temps de René Laloux, de rater au cinéma ses deux autres films. L’immense privilège du cinéphile parisien qui permet de découvrir des centaines de films de toutes époques sur grand écran ne s’arrête pas en mai ; il donne, au contraire, la liberté du rythme, ni contre celui de Cannes et encore moins contre Cannes tout court, seulement contre l’empressement. Alors profitons de cette respiration, avant que l’excitation finale ne la balaye quand Greta Gerwig annoncera la Palme d’Or. Et le désir de la découvrir sera alors immaculé.