Critique | Ce n’est qu’un au revoir de Guillaume Brac | ACID
Comme souvent, comme toujours, pour le meilleur et pour le pire, Guillaume Brac s’attache à ce qu’il filme. Ici, son objectif ne change pas de cap – ou alors de région, l’Auvergne-Rhône-Alpes, et plus précisément la Drôme. Dans la cité scolaire du Diois, quelques lycéen·nes vont passer le baccalauréat tout en sentant la bascule à venir – celle du lycée aux études supérieures, de l’adolescence à l’âge adulte, d’une bande de copain·es à une autre. Brac les observe, les rencontre, les écoute, mais surtout les mignote. Lorsqu’il s’agit d’une fiction, de personnages joués par des acteur·ices, cette tendresse est bienvenue (nous nous rappelons de la délicatesse d’À l’abordage, de la douceur d’Un monde sans femmes et de la bonté des Contes de juillet). Mais quand il s’agit de regarder des personnes bien réelles, cette même cajolerie cinématographique frôle parfois un trop-plein dérangeant.
Il y a, par exemple, dans les dires de ces jeunes adultes en devenir nombreuses prémices de réflexions qui résonnent tout particulièrement avec nos jeunesses communes. Parfois clairvoyantes, parfois ridicules, toutes ces bribes de pensées que Ce n’est qu’un au revoir nous expose aurait gagné à ne pas trop pencher vers les petits soins. Car, en effet – et c’est ce que la démarche de Brac oublie – ce qui est beau dans ces années que nous avons tous et toutes vécues un jour reste bel et bien ce mélange de pathétisme et de candeur. Or, ce que le déroulé du film propose ne va pas plus loin qu’un hommage aux lumières politiques et intimes de ces jeunes gens. Iels sont présenté·es comme des consciences lucides, et chacune des maladresses de verbes ou autres naïvetés juvéniles ne semble pas être perçues par Brac comme telles.
Toutefois, pour que l’écho avec le public puisse fonctionner, il aurait fallu les guetter tel qu’iels sont, et non tel que qu’iels se croient être. Il est évidemment louable de ne pas dénigrer des humains pour qui nos affects battent, mais il l’est beaucoup moins de ne pas vouloir les montrer tels qu’ils sont. Le rôle d’un cinéaste, affinités ou non, devrait toujours être celui d’observer la réalité, conscient ou non de ses biais, sans trop jamais les surligner. Lorsque l’artifice se voit, la chose déçoit et parfois gêne. Peut-être aussi que les discours placés en voix-off n’aident pas le geste, et que ces lycéen·nes auraient mérité une place visuelle plus conséquente pour pouvoir contrebalancer la part ardente donnée à leurs propos, ceux-là même que le film rend parfois (et souvent à tort) immatures. Les humains sont beaux quand ils sont ridicules, il faudrait le rappeler à Brac. Comme son titre nous l’indique, ce film n’est qu’un au revoir. Espérons donc que le prochain bonjour ne soit pas suivi d’un câlin. Car seule la distance (impossible dans une étreinte) permet de mieux voir le monde dans sa largeur et sa grandeur, sa magnifique complexité.
Ce n’est qu’un au revoir de Guillaume Brac