Une vie de chien

Critique | Amour Apocalypse d’Anne Émond | Quinzaine des cinéastes

Orage et désespoir. Reprenant le trope romantique des passions qui s’expriment dans les états cataclysmiques de la nature, Amour Apocalypse fait le récit d’Adam, éco-anxieux dépressif qui s’occupe des chiens de son chenils, seule tendresse qu’il connaît en ce bas monde. Incapable de s’affirmer, il dit oui à tout (notamment à la jeune fille qu’il emploit qui le tient en laisse), essaie tous les remèdes qu’on lui propose (lampe luminothérapie, anxiolitiqes, podcast de méditation, sport…). À tel point qu’il finit même par appeler le service après vente de sa lampe reçue avec une carte stipulant : « en cas de besoin, appelez-nous ». De cette surinterprétation témoignant d’une détresse profonde, il va rencontrer Tina, employée, avec qui le courant va passer tout de suite, provoquant orage et tremblements de terre autour d’eux.

Evidemment, la mise en scène joue du trope romantico-météorologique au symbolisme éculé, mais le justifie de la progression du réchauffement climatique. Néanmoins, cette mise en parallèle entre dérèglement psychique et climatique cantonne ce dernier à une expérience individuelle, dépolitisant complètement la question. Si les enjeux climatiques engendrent bien une forme d’anxiété nouvelle, ce n’est pas en se soignant individuellement que le problème sera traité, et le seul acte politique qu’Adam effectuera dans le film est de crever les pneus d’un SUV, geste surtout effectué pour impressionner Tina, lui démontrer une forme de vaillance.

Film assez inoffensif donc, dont certaines scènes réussissent dans leur comique un peu lourd (comme un plan sur des chiens qui regardent fascinés une scène de masturbation à deux), mais sont souvent beaucoup trop excessives (un plan sur un chien et deux enfants assistant à l’arrière de la voiture à un baiser amoureux), et un réseau symbolique qui se contente de la surenchère (Adam premier des hommes, qui copulent avec sa Eve dans un champ avec une bande sonore retranscrivant le son d’une faune dense d’avant l’urbanisation). Une apocalypse pas très explosive.

Amour Apocalypse d’Anne Émond, prochainement au cinéma