Le mieux est l’ennemi du bien

Critique | L’Intérêt d’Adam de Laura Wandel | Semaine de la Critique

Pour commencer, elle se désinfecte les mains. Le deuxième long-métrage de Laura Wandel (Un monde avait été sélectionné à Un certain regard en 2021 – arbitraire déchéance cannoise) s’ouvre sur sur un microcosme aseptisé, stérilisé : le service pédiatrique d’un hôpital surchargé. En cheffe-médecin supérieure, Lucy (brillamment incarnée par Léa Drucker) s’inonde de gel hydroalcoolique et gère le cas (entre autres) du petit Adam, quatre ans, souffrant de grandes carences alimentaires rendant ses os friables. À la source de son mal, sa mère Rebecca (Anamaria Vartolomei), perdue, paranoïaque et sous tutelle judiciaire pour maltraitance enfantine. Un film en huis clos qui se veut choc (!!!) social et in situ ; mettre en scène la vraie pure réalité du terrain pour sensibiliser ces héros du quotidien. La tableau reste cependant aussi insipide que le désinfectant dont se tartine Lucy, prévisible et déjà-vu. 

Une carrière de cinéaste se construit-elle sur la recette du succès d’une première fois, déclinée par la suite dans les films suivants ? Un monde présentait déjà un huis clos autour de l’enfance et ses violences internes : une cour de récréation comme terrain du harcèlement d’un jeune garçon, dont l’on suivait le point de vue et les affres causés par les camarades. Cette fois-ci, Laura Wandel change d’institution, mais garde la substantifique moelle de ce qui constituait son premier long-métrage. Des cas sociaux, mis en scène dans une veine documentaire, caméra à l’épaule, flirtant avec le drame. Or, ce qui était gage de l’intérêt du premier – un film à hauteur d’enfants, choix audacieux et de plus en plus rare au cinéma lorsqu’il est réussi – fige le second, sans atteindre le propos politique qu’il semble vouloir partager : mêler le bureaucratique au social, l’administratif à la réalité concrète.  Celle d’une instance juridique publique qui explicite tous ses enjeux et décisions  oralement et, par une simple décision, affecte toute une sphère familiale privée. 

Et pour cause, si la prestation de Léa Drucker en mère courage d’adoption pour tous les patients qu’elle soigne capte notre attention, L’Intérêt d’Adam patauge dans des tropes, ne questionne pas ou peu les réalités qu’il met en scène. Rebecca refuse de nourrir son fils, victime d’une obsession quasi maladice qui la conduit à considérer que les aliments que son fils va ingérer vont le rendre malade (une bride narrative par ailleurs posée, répétée, mais non élucidée). Soumise à une procédure d’éloignement, le film s’ouvre auprès de la personne représentant la protection de la jeunesse et autorisant Rebecca à rester avec son fils pour les déjeuners-dîner afin de l’aider à s’alimenter correctement. Cette dernière, accrochée à son fils, tente successivement de le nourrir d’une substance blanchâtre ramenée clandestinement, de s’enfermer dans la chambre d’hôpital puis de s’enfuir avec l’enfant dans la nuit avant de chuter depuis les escaliers. Une montée en pression progressive, cherchant sans doute à nous pousser à bout de souffle dans cette course contre la montre mais qui, au moment du climax, se déboulonne tout seul. 

« Je ne veux pas mourir » lance Adam, yeux dans les yeux à sa mère. Un moment de silence suspendu, qui conduit Rebecca à abandonner le combat contre la justice, seule contre tous, et accepter d’être prise en charge. Une société de parents malades donne des enfants malades. Une société de parents esseulés, donne des enfants esseulés. L’intérêt d’Adam, c’est avant tout que ses géniteurs acceptent leurs troubles et déchirures de ses géniteurs. Cela en fait-il un portrait passionnant ? Ce n’est pas notre intérêt.


L’Intérêt d’Adam de Laura Wandel, prochainement en salles