Critique | Brèves du Réel | Cinéma du Réel 2025
De salles en salles et une vingtaine de films plus tard, la joie d’autant de découvertes s’installe dans un même temps qu’une certaine fatigue accompagnée de ses doutes. Ces tentatives critiques ne sont-elles pas absurdes ? Et pourtant, une poursuite…
Mercedes comme papillon – Marthe Perret
(Première Fenêtre)
Brève observation de quelques femmes gitanes, nous zieutons les discussions et les pas de danse comme deux sources d’émancipations. Un mariage arrive, les femmes s’éclipsent devant la fenêtre de l’objectif. Certaines, dans le vent peut-être, révèlent leurs tentations d’un autre chemin, armée en ville ou footballeuse, ne pas dépendre des traditions, et pourtant d’autres (ou bien les mêmes) n’échangeraient pour rien au monde leur origine et leur culture. Quel devenir ? Mercedes ou papillon ? Rentrant dans leur intimité, on guette les doutes de leurs projections vers l’avenir. Ce sont quelques vingt courtes minutes que l’on aurait adoré poursuivre sur plusieurs heures. Marthe Perret rythme à merveille son film, nous laissant supputer une filmographie prochainement géniale, réelle.
A.C.
Mercedes comme papillon s’ouvre sur des voix, une discussion. Luisa et ses cousines confient dans un mélange d’aplomb et de retenue leurs visions de la vie. Les rêves de liberté cohabitent avec l’attachement aux racines gitanes, les doutes avec la fierté. Sur un parking comme à la plage, l’on danse et l’on chante, toujours. Les draps flottent au-dessus des balcons, le printemps est doux, un mariage est célébré. La quotidienneté s’anime sous la caméra de Marthe Perret qui s’ajuste à ces paroles, à la distance d’un pur naturalisme.
A.G.
Sécurise tes images : détruis les – Lory Glenn
(Première Fenêtre)
Les corps se dispersent et se cherchent dans les nuages de fumée des gaz lacrymogènes. Le bruit est sourd, les mouvements ralentis, le tout brouillé. Les carrés et rectangles rouges, motifs de reconnaissance faciale, encadrent les silhouettes, mais au lieu de les authentifier, les font disparaître : l’algorithme est détourné pour préserver l’anonymat. Un retour à Sainte-Soline, dans ses images où Lory Glenn fouille sa mémoire et retrace son parcours lors de la manifestation contre les méga-bassines. Dans ce dispositif, une tension, comment filmer nos luttes, entretenir nos mémoires, tout en évitant la récupération et la surveillance ? Une réponse : Sécurise tes images : détruis-les !
A.G.
Robert Taschen – Léo Bizeul
(Compétition)
Un mystère, le lapin apparait. Pour l’heure, le plus grand film de la compétition est le plus court, le plus occulte. Ces neuf minutes d’un homme seul, perturbé, perturbant, réalisé par Léo Bizeul désarçonnent autant qu’elles subjuguent. Une lumière bleue, une pluie finale, nous n’en dirons rien de plus ; la beauté d’un nouveau monde aussi bizarre que magnifique, la solitude dans sa splendeur.
A.C.
Regarde avec mes yeux et donne-moi les tiens – Noëlle Pujol
(Compétition)
Sur les traces d’un vieil atelier abandonné, Noëlle Pujol se promène, observe les arbres, traverse les bois. Caméra à travers branches comme prolongement de son regard, le rouage est simple, trop simple peut-être. Noyée dans cette palette de verts, la promenade s’éternise et malgré les plans fixes, ne se fige sur rien. À part sur un oiseau, niché là, tout palpitant et flou, juste le temps de faire le point. De cette rencontre, un attachement, aussitôt reparti.
A.G.
Inventory – Ivan Markovic
(Compétition)
Lever le drap sur un espace, le court-métrage d’Ivan Markovic construit quelques jeux d’ombres, des stores, des cadres désaxés, provoquant de nouvelles géométries, des lumières singulières. Inventory est d’un même temps fait de démontages de lourdes structures et de détails imprécis, abscons, de mise en avant d’un collier de serrage, d’une photographie dans les décombres, d’archives qui s’entremêlent. Puis il y a une blessure, un personnage, le pied en sang. On va le suivre et s’approcher pas à pas du panneau final explicitant l’architecture que nous venons d’observer. Les humains, ces outils politiques d’un temps, utilisant les outils de construction et de déconstruction, site de notre monde conflictuel, capitaliste, mondialisé. Les photographies sont l’omniprésence bourgeoise sur tout ce chantier ; Inventory, son contrechamp, son basculement, l’ombre des espaces morts et autres travailleurs oubliés. Toute la beauté d’une zone restreinte, d’un angle droit.
A.C.
Stream-Story – Amit Dutta
(Compétition)
Un balai ou un chat pour faire couler le ruisseau, les maisons se diluent, bicolores, les gardiens veillent. L’eau des contes se glisse dans le flux — un moulin troué, une roue qui tourne, des pétales sur l’autel. Ça vrombit, ça tressaute au fil du régime turbulent, du montage et des images, des mains du potier à celles du vannier, du bambou à la pierre. Les tableaux défilent le long des flots et dévoilent, abruptement, un écosystème foisonnant.
A.G.