Brèves du réel 3

Critique | Brèves du Réel | Cinéma du Réel 2025

Du dire et du montrer ; le documentaire varie toujours dans cette binarité rarement jumelée. La première école a son besoin d’ancrer sa tentative dans une économie de l’utilité ; qu’elle soit militante, politique ou historique. Tandis que la seconde, sans aucun doute la nôtre, s’ancre dans le monde de l’esthétique, du cinématographe, avec toute sa part militante, politique et historique obligatoirement alliée, soudée, mais pas nécessairement consciente. À chaque nouvelle édition du Réel, c’est un état des lieux de la création filmique qui s’offre aux festivaliers et festivalières. Comme chaque nouvelle édition, nous pouvons jauger de l’évolution de ces deux écoles. Et comme chaque nouvelle édition, la dualité perdure, laissant comme goût amer et doux la réalisation que les deux sont nécessaires au monde et à son septième art. Durant cette 47ème édition du festival international du documentaire, nous avons pu observer un éclectisme et une innovation de cet art qui, par les doutes géopolitiques de ces derniers mois, ont pu nous rassurer. La vie perdure dans nos écrans lorsque leurs formats miniatures sont assiégés d’inquiétants effrois.

Land of Têmêle, we Dêlême  – Assya Agbere
(Première fenêtre)

Une entrée dans l’ordinateur pour déplacer la galaxie, se baigner dans le cyber, au milieu des curseurs verts fluo. Land of Têmêle, we Dêlême, objet mystique, transcende le web à la recherche de soi. Une exploration formelle et poétique n’hésitant pas à jouer des possibilités du montage, quitte à ouvrir, sans cesse, de nouvelles fenêtres.

A.G.

little boy – James Benning
(Compétition)

8h15, 6 août, le petit garçon va achever son élaboration. Quelques maquettes construites d’année en année, sous la bande-son de leur achèvement, de Stokely Carmichael à Cat Power, ont déroulé le temps. Elles sont comme l’échelle de leurs plans, à portée de main. Ce sont des couleurs et des discours, une palette de plusieurs décennies. Peut-être que les objets les plus simples, mieux que les paroles, excellent dans l’art sophistiqué de l’illustration. Ce dépouillement professe celui de son auteur ; un cinéma de l’épure, de la précision et de la mécanique des corps, des décors et des histoires. Loin de lui les paysages de son maudit pays gorgé d’États ; little boy n’est pas dans la profondeur de ses champs, mais plutôt dans celle de son évolution à travers les âges, les siens, ceux d’un impérialisme dévastateur, d’une politique répressive, autoritaire et polluante, une ère guerrière et atomique et dont aucune architecture miniature ne nous fera abandonner la préalable image d’un ossement de dinosaure tant le rugissement qui s’y cachait résonne encore, des millénaires plus tard, dans les bas-fonds de nos entrailles, les météores de nos leaders.

A.C.

Les garçons, les filles – Camille Sisman
(Première fenêtre)

Les Tilleuls – BSL. Une bande de garçons déambule dans son quartier, au pied des bâtiments. Ragots nostalgiques, freestyles, football ou élaborations de scénarios, autant d’activités pour tuer le temps, laissant entrevoir les tempéraments de chacun. Ils n’hésitent pas à se saisir de la caméra pour nourrir leurs jeux, celle-ci les suit et observe leur jovialité. Les filles, quant à elles, tournant la roue, songent à leurs envies d’ailleurs. Camille Sisman déplace son regard en banlieue, simple objet d’étude ou réel intérêt naturaliste ? Pour l’instant, retenons-en la réjouissance, en attendant le prochain film.   

A.G.

Being John Smith – John Smith
(Compétition)

Des apartés sur son prénom, son nom entier, John Smith livre là un beau petit film, très personnel, introspectif, d’une fluidité parfaite. « Je n’aime pas le son de ma voix dans ce film et je préfère parler en sous-titre » et tout le festival est là. Faut-il parler, écrire ou montrer ? Faut-il s’exprimer ou s’excuser, se questionner ou trouver les réponses ? Soyons John Smith et laissons-nous se fondre dans le commun et les applaudissements gênants de nos regards. Toutes ces questions n’ont pas de réponses, si ce n’est de continuer d’écrire, de continuer de vivre, de voir des films, de critiquer, s’interroger et s’émouvoir. 

A.C.

L’Avenir  – Magalie Vaz
(Première fenêtre)

Sous les motifs géométriques de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, d’une conversation téléphonique et de quelques rappels historiques, les mots influent sur les images, et les images sur les mots. Les notes futuristes sonnent dès que le cadre échappe, les pixels vibrent le long des fils électriques et les gouttes résonnent. Magalie Vaz signe un véritable geste esthétique qu’il nous reste à recoudre. 

A.G.