Et 1, et 2, et 3-0

Critique | Avatar : De Feu et de Cendres de James Cameron, 2025

Remettons immédiatement l’église au milieu du village : Avatar 3 est une petite chose aux moyens démesurés qui fera perdre beaucoup trop de salives aux amoureux de cinéma. Pour aller très vite, contrairement au réalisateur (3h17, c’est la durée de cette séquestration collective), Avatar 3 rejoue à l’identique Avatar 2, en y intégrant pour justifier la redite, un peuple spécialisé dans le feu depuis qu’on les a abandonné en laissant en cendres leur terre, et déterminé à se venger en faisant alliance avec les humains-colons. Mais James Cameron ne saurait être un autre, et ce qui le passionne, c’est l’eau, alors dans Avatar-feu, on verra surtout de l’eau, beaucoup de bateaux, des baleines et la couleur bleue, partout, entrecoupée de trois flèches enflammées et quelques explosions rougeoyantes… Le titre est mensonger donc, le film épuisant et rabâcheur, et la maigre justification scénaristique à cet intermède tient dans l’exploration (aussi subtile que légère !!) du folklore mythologique de Pandora, le fonctionnement de cette super-nature révélé en partie par l’explication des pouvoirs de Kiri, la fille adoptive de Sully et Neytiri. Passons aussi sur la dimension dépolitisante de ces révélations, qui éloignent encore un peu le récit d’une réalité propre au processus de colonisation, à nouveau mentionnée par Cameron dans la presse, pas avare en comparaisons avec les situations en Ukraine, au Soudan et à Gaza… Morale : dommage pour vous les terriens, vous aviez qu’à posséder un arbre magique qui sauve des vilains impérialistes ? Le film fait pire que le récit du sauveur blanc des deux premiers volets, et réussit l’exploit d’éviter toutes les zones d’ombres et de contradictions que la saga mettait pourtant en place (la transition du grand méchant Quaritch, l’étrange surplace de la série qui promettait pourtant d’explorer Pandora…). 

Alors ce qui amuse quand même dans ce très peu sérieux nouvel opus, c’est surtout de se rappeler qui nous étions, où nous étions, et avec qui nous étions lors des sorties précédentes. Je me souviens avoir supplié mon père de m’emmener voir le premier Avatar, un peu honteux d’être l’un des seuls de ma classe de CM1 à ne pas l’avoir vu et essayé les lunettes 3D. Je me souviens du puissant sentiment nostalgique, et de l’une des premières expérimentations sensibles du temps qui a passé entre deux volets d’une saga entièrement découverte au cinéma, lorsque mon même père m’a accompagné voir le deuxième volet, cette fois chargé d’un peu plus de connaissances en cinéma pour appréhender la mise en scène du film, son paratexte avec d’autres œuvres de Cameron (les gros bateaux, les fonds marins, tout ça). Mais l’effet trouvé hier perd de sa puissance aujourd’hui : trois ans séparent les deux derniers volets. Pour une saga qui a tiré sa force de frappe de la dimension révolutionnaire de sa technologie, mais aussi d’une curiosité à retourner sur Pandora douze ans après le premier volet, ce n’est pas rien, et cela joue profondément sur la réception de ce nouveau chapitre. Ses recettes record au box-office sont presque aussi importantes que les films en eux-mêmes dans l’imaginaire collectif, d’où la permission d’en toucher un petit mot : il est semble évident que ce troisième film ne rencontrera pas le succès des deux premiers (à la louche, on fait le pari d’un 7 millions d’entrées maximum en France). Vous souvenez-vous à la cour de récré, quand on disait « tu veux voir les bleus gagner ? Regarde pas le foot, regarde Avatar ! ». On avait loin d’être en tort : gagner une coupe du monde tous les vingt ans, c’est vertigineux ; la gagner tous les deux ans, c’est vraiment chiant.

NB : la projection du film pour la presse était précédée d’une courte vidéo dans laquelle James Cameron se vantait d’avoir réalisé un film sans intelligence artificielle, et où le sourire des personnages étaient ceux de vrais acteurs. Super, vraiment. Mais dans « intelligence artificielle », il y a « artificiel », adjectif loin d’être étranger à ce blockbuster. Alors pour une leçon boomer et sans nuance sur ce que devrait être le vrai cinéma, on repassera.

Avatar : De Feu et de Cendresde James Cameron, au cinéma le 17 décembre 2025