Critique | Nouvelle vague de Richard Linklater, 2025 | Compétition
Avec Slacker (1990), Richard Linklater s’inscrit dans la tradition de la Nouvelle Vague : moyens dérisoires (budget de 23 000 $), large place à l’improvisation, tournage sans autorisation, attrait pour le mouvement libre des personnages. Un film fauché, en somme. Il a continué dans cette veine, notamment avec Before Sunrise (1995) dans lequel il suivait deux âmes mobiles qui s’étaient rencontrées dans un train pour Vienne. Des films qui donnaient cette sensation du réel, de la vie, du mouvement. Le choix de réaliser un film sur l’histoire de la production et du tournage d’À bout du souffle marque ainsi une forme de continuité logique dans la filmographie du texan.
Première interrogation face au film : à quoi joue Linklater avec Nouvelle Vague ? Tout dans le film s’appuie sur un paradoxe embêtant, sur le fond et la forme. Linklater reproduit dans un noir et blanc au format 4/3 l’atmosphère de la fin des années 1950, reprend l’imagerie des films d’À bout de souffle, en produisant toute de même une facheuse sensation de faux. Les changements de bobine dans le film demeurent assez superficiels tant ils ne semblent que singer une époque plutôt que de tenter de la comprendre. C’est sans doute un jeu pour le cinéaste qui voit dans les réalisateur-ices de la Nouvelle Vague de grandes influences, jeu que l’on retrouve dans l’essence même du film qui brille finalement par la qualité de son casting. Guillaume Marbeck habite le personnage, sans le parasiter. Paradoxe, donc. Godard jouait avec les acteur-ices les empêchant de connaître le scénario à l’avance, mais ne voulait pas qu’ils et elles performent. Dans Nouvelle Vague, pourtant, tout semble calibré, maîtrisé, très produit. La répétition renforce une lourdeur didactique : les apparitions de chaque nouveau personnage sont accompagnées par leur nom à l’écran (dans un rapport qui dépasse la diégèse), puis dans la seconde d’après, ce même nouveau personnage est introduit par une simple réplique d’un autre personnage déjà connu. On reconnaît les scènes d’À bout de souffle, et l’on regrette presque de ne pas voir la plus belle punchline du film ( « si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, allez vous faire foutre ! »), pourtant tout est propre. Le principal problème de Nouvelle Vague réside alors dans son essence, puisqu’il vise la reproduction plutôt que le palimpseste.
La lourdeur reproductive du pastiche (qui peut être l’envers de l’hommage) se traduit par un florilège de citations et les phrases fortes de chaque cinéaste de la Nouvelle Vague mais surtout de Godard, devenu depuis acculé, et offre un regard exotisant d’un moment historique qui, effectivement, a changé les paradigmes cinématographiques. Alors on entend Rossellini (le « père » de toute une génération) dire que le cinéma n’est qu’une affaire de morale, Cocteau souffler à Truffaut que le cinéma n’est pas un passe-temps mais un sacerdoce, Godard énoncer qu’il ne faudrait pas adapter les livres au cinéma, mais plutôt que les livres adaptent le cinéma, que le chagrin c’est idiot alors il choisit le néant, que l’inspiration bergmanienne n’est pas du plagiat mais un hommage… C’est une curieuse mise en abyme, une relation entre le passé et le présent, mais pourquoi ne pas jouer à regarder vers l’avenir ?
Nouvelle Vague de Richard Linklater, le 8 octobre en salles