Critique | Sauve qui peut, Alexe Poukine, 2025
Lors du Cinéma du Réel 2024, j’avais entamé l’entreprise d’un petit journal dans lequel j’écrivais quelques petites notules sur les différents films présentés. De ces derniers, la grande majorité ne trouvera jamais distribution. Pourtant, une année et des poussières plus tard, le long-métrage d’Alexe Poukine – Sauve qui peut – va rencontrer les salles françaises, me permettant de replonger ici dans un court texte d’un temps perdu. Ici sera donc la réécriture, cette tentative de prolonger un geste de festival qui – nous le savons – se trouve toujours biaisé de frénésie, le second pas de quelques ternes retrouvailles.
Sous un ton très Claire Simon, Notre Corps et Le Concours, dans Sauve qui peut, s’entremêlent et renaissent, regroupés, rassemblés, pleins d’humour et d’émotions. De cet entrecroisement d’hôpitaux et d’exercices scolaires, nous rentrons dans le corps médical (ce qui, notons-le, devient étonnement commun depuis (tiens donc) quatre/cinq ans (cette désormais mythique Covid-19 étroitement liée à la révélation des flagrantes fragilités de nos lieux de soins publics)). Nous observons ici quelques étudiant·es et quelques professionnel·les s’entraider, mais surtout s’entraîner. Annoncer une dure nouvelle ou gérer avec empathie les états des patient·es perturbé·es est un quotidien qui doit inévitablement se préparer. Avec Poukine, les rideaux s’ouvrent, nous laissant accéder aux coulisses. Nous y sommes, les répétitions ; et pour ça, il faut cabotiner un peu, beaucoup et maladroitement. « On n’est pas là pour faire du Shakespeare ».
Non, Alexe Poukine ne vise pas la tragédie. Elle essaye plutôt d’aller gratter l’instant qui provoquera un rire, une gêne ou une larme ; ce qui d’ailleurs fonctionne plutôt bien, il faut l’avouer. Pour autant, le trop-plein de caméras (et donc d’angles de vues, de perspectives, de simulacres de subjectivités) instaure la mise en place de mille et un contre-champs qui malheureusement donnent la confusion du jeu, du faux, avec le réel. On le remarque à la comédie mal jouée, mais touchante, des élèves. Cependant les incessants changements d’axes ennuient autant qu’ils déçoivent, car jamais finalement nous ne pouvons frontalement se concentrer, observer et écouter. Cela détonne alors avec l’intention explicite de prendre un peu soin de celles et ceux qui nous l’apportent. Le film reste malgré tout un moment agréable. Peut-être aurait-il simplement fallu qu’il soit plus long, plus dense et plus persistant dans ses séquences, qu’il se permette d’être une véritable fresque, des plans-séquences, un montage moins scindé ou une légère aspiration à la respiration. Le « sauve qui peut » du titre renforce ainsi ce rythme gorgé d’un manque de contemplations, d’observations banales, triviales mais pourtant toujours si heureuses au cinéma.
Sauve qui peut de Alexe Poukine, en salles le 4 juin 2025