Critique | Good One de India Donaldson | Quinzaine
Difficile de trouver ce qui fait la spécificité d’un tel projet après le passage de Old Joy. Des personnages en randonnée, des plans de coupe de la nature, des discussions plus ou moins profondes et intéressantes, Good One ne dépasse jamais vraiment le stade d’une exploration de la faune masculine, non plus de l’intérieur comme le faisait Reichardt, mais de l’extérieur, avec l’adjonction d’un personnage féminin – la fille du premier papa – au duo. Le prétexte de ne pas faire venir le fils du deuxième Papa permet d’ailleurs d’éviter tout équilibrage générationnel – 2 jeunes vs 2 vieux – tout en évacuant la source d’autres conflits qui auraient pu phagocyter l’observation tranquille de la jeune fille – le fils est présenté comme en conflit avec son père / 3 mecs vs 1 fille. India Donaldson ne veut pas être dérangée.
La nature n’existe pas. Pas d’orage ni de pluie dans le film. Pourquoi ? Parce qu’elle ne pouvait pas tourner dans ces conditions dit la cinéaste. India a un programme et compte s’y tenir. La randonnée sert de prétexte à enfermer la jeune fille face à ses pairs masculins, mais à dire vrai, un embouteillage sur l’autoroute aurait suffi. Fausse nature. Le film vaut bien plus pour la rencontre avec un groupe de jeunes randonneurs masculins, dont on aurait aimé qu’ils soient un peu plus lourdauds, comme on sait qu’ils le sont. Malheureusement il y a une histoire à respecter, et les 3 jeunes gens qui cherchent un « coin pipi » et un « coin caca » disparaissent bien vite sans encombre. Alors on observe les deux hommes, on écoute leurs histoires-qui-font-peur autour du feu, histoires qui se transforment bien vite en confessionnal. Au contraire de Old Joy, qui laissait toujours sous silence le point névralgique de son récit – deux amis qui ne sont plus amis -, India Donaldson a peur de perdre ses spectateurices et explicite les enjeux des deux papa – on les écoute parler du divorce, de comment c’est dur de gérer les conflits avec le fils… forcément, le seul personnage apportant dialectique et contrepoint étant muet, rien ne sera jamais déplié.
Alors bien sûr, cette promenade bucolique ne saurait aller à son terme sans un élément perturbateur, qui arrive à peu près aux deux tiers du film. Si le titre, Good One, semble désigner la jeune fille, la meuf sympa qui accepte d’aller se promener avec son daron, il pointe du doigt la remarque du copain du père qui, alors qu’il se retrouve seul avec la fille, lui propose de le rejoindre sous la tente pour lui tenir chaud. Juste une blague ? Pas sûr. En tout cas, mauvaise blague, bad one. Ce petit caillou dans la chaussure fait enfin décoller la balade, et la confrontation avec le père a ça de fameux que deux conceptions s’affrontent. Face à l’agression masculine déguisée en blague, quoi faire ? Le père propose une solution : la surenchère. Marquer au fer rouge la remarque honteuse en la révélant comme telle, ne pas avoir peur d’affronter la bêtise. Sage, sans doute, vite dit, lorsqu’on est soi-même un homme. Cette scène agit comme un point de basculement tout en préservant le statu quo que le film construit patiemment entre ses personnages, et c’est peut-être ce seul élément qui préserve Good One de n’être qu’un ersatz formel de Old Joy.
Good One d’India Donaldson, avec Lily Collias, James Le Gros, Danny McCarthy, prochainement au cinéma