Critique | Septembre sans Attendre de Jonás Trueba | Quinzaine
« On va commencer par une question simple : Quelle est l’origine du film, comment en avez-vous eu l’idée ? » Telle est la première question (peu inspirée) que chaque cinéaste traverse à la sortie d’un film. Qu’est ce qui motive un geste de cinéma, au point qu’une personne en vienne à écrire, tourner, monter un film, et cela sur plusieurs années de sa vie?
On n’aura pas à poser la question à Jonás Trueba tant la réponse transparaît clairement dans son nouveau film, Septembre sans attendre, présenté à la Quinzaine des Cinéastes. «D’après une idée de…» (ses acteurices d’Eva en août), ce film co-réfléchi à plusieurs mains raconte l’histoire d’Ale et Alex, un couple de quinze ans d’âge qui va se séparer en célébrant cela par une grande fête. Un « mariage inversé » donc, dont l’annonce interroge, énerve ou passionne les amis et les proches. De cette trame écrite à six mains s’invite une autre donnée : Il est un acteur, Elle est une cinéaste en pleine post-production. Et le film qu’elle monte n’est autre que… le film que l’on regarde.
Trueba ré-imagine la comédie de divorce selon un principe de répétition de motifs. Les séquences relatives à l’annonce de la séparation sont un terrain de jeu fait de variations étranges et comiques, où les mêmes phrases reviennent jusqu’à l’absurde. Le « Mais on va bien hein ! » que répète Alex après chaque annonce peut faire rire une fois, deux fois, paraître malaisant à un moment, lourdaud, et c’est dans cette non-répétition constante que le film trouve son charme. On pense à Rohmer et ses Contes Moraux ou à Hong Sang soo et ses variations de séquences.
Mais Trueba tire son épingle du jeu par le méta qui imprègne le film dans le film. Il marque des coupes franches, des bouts de prises qui s’enchaînent, des re-visionnages rapides de séquences déjà vues, des ajouts de musiques annoncés par Ale en salle de montage, des crédits d’ouvertures pas terminés. On assiste finalement à ce que l’on appelle la troisième écriture, celle du montage (qui succède à celle du scénario et du tournage), sans jamais sortir de l’histoire racontée, puisque les personnages revivent en permanence leur relation. La porosité entre le film et le film dans le film est totale, tout se confond dans un grand flou : de toute façon tout est cinéma.
Avec cette idée d’une célébration de la séparation, Trueba illustre la philosophie de Kierkegaard et son idée du bonheur amoureux parfait, contenu dans la reprise en avant : un amour qui se vit sans le remords du souvenir, sans l’incertitude du futur, mais avec la sérénité de la reprise.
Septembre Sans Attendre de Jonás Trueba, au cinéma le 28 août 2024