Critique | La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius | Compétition
Michel Hazanavicius revenait en ce dernier jour de compétition avec un film d’animation, La Plus précieuse des marchandises. En racontant l’histoire d’un pauvre couple de bucherons polonais qui recueillent un enfant jeté par la fenêtre d’un train qui filait droit vers les camps de la mort, et avec l’aide d’une voix-off et d’un semi-remorque de violons, le français propose un film aussi mielleux qu’indigeste, à l’image du baba au rhum de Noël qui pousse le rôt qui n’arrivait pas à sortir. Bref, Hazanavicius a fait un énième caprice de star, s’est offert la compétition cannoise et a bouffé à tous les râteliers pour s’offrir un film à 15 millions, dont l’affichage du nom de tous les financiers aurait pu occuper la moitié du film si on les avait énumérés les uns après les autres.
La Shoah, la xénophobie, le froid glacial polonais, les retrouvailles fantasmées à la fin de la guerre… tout y est pour pleurer quelques larmes et se donner bonne conscience d’avoir été ému d’un drame si dramatique, quitte à en oublier la mise en scène. Mais avec un tel sujet, justement ? À la vue des différentes séquences du film, on repense à tout l’imaginaire cinématographique des camps, et se rappelle de scènes vues ailleurs et en mieux, avec les exacts mêmes principes : la métaphore enfantine (Mouse de Art Spiegelman), la préservation d’un hors champ éthique (de Kapo à Glazer), la complicité passive des polonais (Shoah de Claude Lanzmann)… Ces quelques personnages ne sont pas non plus aidés par leur animation, sommaire, et faite de contours épais pour les silhouettes et de traits fins pour les détails. C’est original.
Niais, La Plus précieuse des marchandises évite d’utiliser les mots pour refaire l’histoire et évite de raconter la règle, préférant plutôt se murer dans l’exceptionnel : un bébé voué à la mort sauvé par miracle, un raciste qui cesse de l’être grâce à une expérience empirique, un père originel qui retrouverait presque la trace de son enfant. Ce régime exceptionnel est raconté selon deux modes qui alternent à rythme réguliers : de longues plages de dialogues où il suffit de fermer les yeux pour se croire dans le métro parisien en train d’écouter une série audio sponsorisée par Spotify ; de longues plages silencieuses durant lesquelles Hazanavicius s’imagine en maestro de l’animation et où l’action reste subie du fait de sa prévisibilité et de sa laideur. Encore plus niais que prévu, le réalisateur ne sait comment finir son film et propose alors une solution, un miracle, une réponse à la question « la vie vaut-elle d’être vécue ? » : l’amour. C’était pas si compliqué de survivre dans la forêt polonaise, d’élever un enfant qui n’était pas le sien, de déconstruire son antisémitisme et de retrouver du sens à la vie après Auschwitz : il suffisait de se répéter suffisamment fort avec assez de conviction « amour » ! Peut-être que la recette fonctionne aussi avec le film si on crie le mot plus fort que ne retentissent ses insupportables violons ?
La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius, le 20 novembre 2024 au cinéma.