Critique | Le Procès du chien de Laetita Dosch | Un Certain Regard
Il serait peut-être trop facile d’attaquer Le Procès du chien par l’angle du trop-plein-du-premier-film, ce truc un peu brouillon que se plaisent à euphémiser les critiques dans des formules prémachées type « on sent qu’elle a voulu y mettre trop de choses, elle s’est laissée emporter, cela manque encore de tenue ». Le parallèle serait d’ailleurs évident entre la Justine Triet qui emploie Laetitia dans La Bataille de Solférino et la Palme d’or qu’elle nous a livrée l’année dernière : fouilli vs maîtrise, admirez la maîtrise de la maître. Soit. À dire vrai, ce premier film de Lætitia Dosch échappe à cette caractérisation tout simplement car le trop-plein de son film est plutôt de l’ordre du débordement. Le pitch du film propose une expérimentation simple : et si nous faisions le procès d’un chien ? Débordement en soit, puisqu’on ne fait a priori pas le procès d’un animal, à la rigueur celui de son maître. C’est le cœur de la scène d’ouverture. Si le premier juge, cantonné au fin fond d’un long couloir de bureaux administratifs, prend la décision qu’il prend, est-ce par revanche comme le lui suggère le personnage de Laetitia ou parce que ses arguments l’ont touché ? Probablement un peu des deux ; les situations débordent toujours sur les actions des personnages.
Mener le procès du chien, c’est donc déborder. Comment déborder ? Par la dialectique. À chaque impasse, il faut dépasser, sans quoi le procès n’avance plus, le chien reste un chien et le procès un simulacre. La salle du procès est donc l’occasion d’expérimenter, d’en apprendre sur ces animaux et leurs instincts, leurs automatismes, d’en apprendre vraiment. Le personnage de Jean-Pascal Zadi amène son lot de concepts et de douceur, en protégeant le chien et en l’aimant. Il y a, comme chez Lars von Trier, une composante ludique primaire, avec ce plaisir de théorie vs mise en pratique, d’inserts d’images fixes de vieilles archives… Et tout ça déborde, encore : Laetitia couchera avec Jean-Pascal, la juge candidate à la mairie sera de plus en plus délirante, le patriarcat semble être l’impasse finale alors qu’on pensait en être protégé, tout déraille sans qu’on ne sache plus bien s’il faut rire ou pleurer, et puis le débordement s’arrête net. Le verdict est rendu. Fin du plaisir d’apprendre, retour au réel, aboiements et rideaux.
Le Procès du chien de Laetita Dosch, avec Laetitia Dosch, François Damiens, Pierre Deladonchamps, Jean-Pascal Zadi, au cinéma en septembre 2024