Critique | Julie Keeps Quiet de Leonardo Van Dijl | Semaine de la Critique
Un cinéaste devrait toujours travailler à rendre son film insaisissable. Quoi de mieux qu’un trouble face à une certitude ? Julie est une jeune joueuse de tennis en voie de professionnalisation, et talentueuse bien sûr, quel serait l’intérêt de suivre une ratée. Mais alors pourquoi diable Julie reste silencieuse ? Cette question, le film la travaille par petite touche, par blocs et par ellipses, où les indices scénaristiques sont égrenés. Comme chez Haneke, l’information est soustraite plutôt que donnée. Est-ce l’éviction de son entraîneur à qui elle semblait avoir donnée toute sa confiance ? sa différence de classe avec les autres élèves ? ou parce que c’est une championne, meilleure que tous les autres ? L’actrice sourit par instant, timide, se crispe l’instant d’après, s’éteint ; la caméra marque, par des jeux sur la profondeur de champ, l’inexistence de l’environnement qui l’entoure. Mais que se passe-t-il ?? Pourquoi ce silence ???
Inutile de tourner autour du pot après avoir terminé Julie Keeps Quiet. Comme on s’en doutait, Julie a été victime d’abus de la part de son entraîneur de tennis. Le trouble que construit le film s’envole à ses deux tiers en même temps que la possibilité d’avoir autre chose qu’un Slalom sans les scènes de viol – qui avait pour grand mérite de montrer toute la violence des ces moments sans tomber dans un voyeurisme malvenu. Ici, une fois les pièces mises bout à bout, tout devient limpide, tout est lisible : l’actrice se décrispe et s’autorise des moments de franche rigolade, la caméra marque enfin la présence du filet de tennis et va chercher dans la profondeur de champ les proches de Julie, le nouvel entraîneur est sympa, Julie est enfin dans un espace sain. Ouf ! Car ce n’est pas le milieu du sport et de la compétition qui sont toxiques mais bien les individus, semble chuchoter le film à nos oreilles. Une fois l’ivraie méthodiquement extraite, plus rien ne règne que le bonheur de faire du tennis. La démonstration est achevée, ne reste plus de mystère, seulement une certitude niaise censée faire du bien.
Julie Keeps Quiet de Leonardo Van Dijl, avec Koen De Bouw, Ruth Becquart, prochainement au cinéma