Critique | Baby de Marcelo Caetano | Semaine de la critique
Les plus grands films sont ceux qui racontent le plus simplement le moins de choses possibles. Tant de micro-événements surviennent chaque seconde aux quatre coins de la ville, et si peu de films pour bien les montrer, extraits de leur flux incessant… Lorsque Wellington sort de la prison pour mineurs de São Paulo il est à la rue et sans nouvelle de ses parents, et même « le gay le plus chiant de la ville » d’après l’un de ses amis. Chiant, car pauvre comme les autres. Alors pour s’en sortir, lorsque Ronaldo, homosexuel quarantenaire et prostitué de la vieille école, lui propose de le prendre sous son aile, il accepte. Il devient « Baby ».
Baby est un film qui évolue à une vitesse tout le temps indéfinie. S’il est dans un premier temps plutôt précis dans sa mise en scène du quotidien tout à fait cadré des pratiques illégales qui permettent à Baby et Ronaldo de survivre, forcément, à un moment la passion s’en mêle et le film s’emmêle. Ils vivront une histoire tourmentée, un je t’aime / moi non plus qui n’a de saveur que la rareté de voir ce Brésil-là sur un écran de cinéma ; mais dont les ennuis et la multiplication des péripéties n’arrivent qu’aux deux tiers du film, à partir d’une scène de boîte de nuit inoubliable dans laquelle on se rappelle que Dalida n’était pas que le modèle pour une statue à Montmartre mais bien une icône internationale réappropriée par la communauté queer. C’est vraiment à ce moment-là que le film meurt, sur cette scène pourtant très belle et incarnée, mais qui prépare au rythme des stroboscopes l’arrivée d’un daddy de substitution au pauvre Ronaldo, qui finira la soirée seul et la cheville fracturée.
Dès lors, le film jongle maladroitement entre une histoire d’amour à raviver avec son premier pair, une dette à rembourser, des parents à retrouver et des amis à caser dans l’emploi du temps de ministre de Wellington. Il le reprochera d’ailleurs à Ronaldo : avec lui, on ne fait que travailler, jamais on ne s’amuse. Les vestiges du bon vieux temps où l’on prenait le temps de montrer comment un homme d’âge mûr gagne sa vie entre différents clients, entre une branlette secrète dans un cinéma gay et quelques pochons vendus à même la rue ; une prestation touristique presque comme les autres. Ce quotidien était d’ailleurs doublé d’une mise en perspective générationnelle avec Baby, enfant de Marx et Only Fan qui aura tôt fait d’optimiser les clients avec différentes applications. La sûreté moins efficace de la méthode à l’ancienne contre une modernité dont on ne parvient à suivre la cadence, deux mondes qui s’opposent mais qui réussissent à s’aimer car tous deux victimes d’un système, voici le cœur du film. Encore trop sentimental et narratif pour vraiment convaincre, mais suffisamment curieux pour suivre Baby jusqu’au bout de la nuit.
Baby de Marcelo Caetano, prochainement au cinéma