Édito | Festival de Cannes Jour 2
Coup de théâtre sur la Croisette ! Mediapart a démenti la rumeur il y a quelques jours : la liste des personnalités accusées de violences sexuelles est en réalité un coup monté de Hanouna !!! Bon. Et maintenant que faire ? S’interroger d’abord sur le plaisir malvenu d’anticiper la chute de quelques têtes. Pourquoi est-ce que ça fait du bien ? Plusieurs hypothèses, toutes valables. La confiance retrouvée dans un journalisme d’investigation moribond dont les quelques représentants se comptent encore sur les doigts d’une main, le rappel à propos que ces gens ne sont pas intouchables, peut-être simplement le fait de voir justice rendue comme-on-peut-faute-de-mieux… Certains parlent d’une réjouissance malvenue parce qu’on oublierait les victimes en chemin ? Faux dilemme, l’un n’empêche pas l’autre : réjouissance bienvenue parce que n’oublions pas les bourreaux, la fin de leur règne.
Ensuite, que faire ? Allez voir des films ! Quand y’aura grève, on ira, mais tant qu’y’a pas, ça projette ! Comme chaque année, Tsounami surveille de près la Semaine de la Critique. La sélection se veut défricheuse des nouveaux talents de demain ; vérifions. Si l’année dernière avait été assez morne, Hafsia Herzi dans Le Ravissement mise à part, rien n’exclut une évolution des choix effectués par l’équipe de Ava Cahen. Mercredi 15 mai, deux films, Les Fantômes de Jonathan Millet à l’ouverture, Simon de la montagne de Frederico Luis en compétition. Deuxième coup de théâtre ?? Non, ou presque – à moitié. Si le film de l’argentin s’avère grand et donne matière à penser, à écrire même, et c’est un gage (cf critique), celui du français touche le fond en même temps que son personnage principal enterre une photo de sa fille à Beyrouth. Dans Simon…, le mystère des gestes réjouit, dans Les Fantômes, le scénario s’invite à la table et met trop de sel dans tous les plats : s’il fait ce qu’il fait, c’est parce que la psychologue lui a dit au début du film que c’était une « technique » pour faire son deuil. Bien sûr, c’est sans compter la caméra portée et les gros plans sur le visage fermé du protagoniste pendant 2h. Bref, inutile d’en dire plus au risque de tomber dans un rabâchage esthétique dont le seul contre-argument sera « oui, c’est vrai, mais c’est un premier film ».
Justement ! C’est bien parce que ce sont de premiers films que nous voulons de la flamboyance, de l’inattendu, de la subversion ! C’est tout le rôle d’une sélection comme celle-là, de défendre des regards singuliers et novateurs en lieu et place de ces films qui usent et abusent de la musique, qui tire sur la corde de l’empathie sans prendre de recul sur ce qu’ils filment, de ces propositions calibrées et faussement ancrées dans les territoires qu’ils prétendent mettent en valeur. Strasbourg dans Les Fantômes ? Je ne l’ai pas vu. Berlin ? Trois bouts flous, histoire de justifier la co-production allemande. Non, faire un film d’espionnage avec des syriens n’est pas « détourner les codes du genre », c’est refuser de comprendre la réalité de ces gens, leur quotidien, les problématiques auxquelles ils font face. Pour rester à Strasbourg, il suffira de montrer les cicatrices des coups de fouet dans son dos. Ah oui ? Ca suffit ? En sommes-nous bien sûrs, connaissant l’inhumanité de l’administration ? Plus de réel et moins de « genre » ne feront pas de mal. Ne reste plus qu’à croiser les doigts pour le reste de la sélection et accompagner le mieux possible Simon de la montagne à sa sortie. On espère se réjouir !