Critique | Eagles of the Republic de Tarik Saleh | Sélection officielle (SO)
En ouvrant son générique sur des affiches des grands succès des années 1960, Eagles of the Republic nous promettait de parler d’images, et plus particulièrement d’icônes. De fait, le film met en scène l’acteur superstar George Fahmy (Fares Fares), idole égyptienne, à qui les plus hautes autorités du pays ont exigé de lui qu’il joue le président al-Sissi avant son arrivée au pouvoir, film hagiographique voulu populaire de par la présence de l’acteur. Tarik Saleh ouvre une piste intéressante : la collusion entre image du pouvoir et pouvoir de l’image. Il s’en tiendra à la dissertation de bacheliers en panique pendant l’épreuve de philosophie.
Le film s’ouvre et se ferme sur des retraités en train de faire des paris sportifs. Scène d’argent qui circule. Que cherche-t-il à accrocher ? Que le système politico-économique égyptien fonctionnerait uniquement sur de l’argent misé sur le bon cheval ? Peut mieux faire. La première demi-heure fonctionne à peu près, dans la mise en scène des tournages de l’acteur et des premières approches avec les militaires, dont l’idée exprimée lors d’un repas avec le Ministre de la Défense donne tout son intérêt : « Je ne suis pas une légende, il faut être mort pour devenir une légende. ». Le reste du film s’enfonce dans un mélodrame politique et amoureux qui ne dit pas grand-chose de la dictature militaire qu’on ne saurait pas déjà, ni de l’amour, que Tarek Saleh filme comme un homme : encore et toujours des femmes parures, des scènes de fellations à sens unique, et des personnages féminins servant de prétexte au scénario, investissement dans l’économie du film pour créer des rebondissements.
La quarantaine bien passée, George fait désormais partie du clan des « bites molles », insulte assénée par l’actrice débutante (jouée par Lyna Khoudri, pour une durée totale de dix minutes avant qu’elle ne disparaisse définitivement de l’écran) avec qui il sortait avant de lui préférer la femme du Ministre de la Défense. Dans une séquence qui se veut comique mais qui n’est que laborieuse, George prend du Viagra (et quelle honte d’aller acheter cela en pharmacie au risque d’être reconnu par le vendeur !) juste avant que sa dulcinée ne lui annonce la mort de son père. Annonce assénée comme un cheveux sur la soupe, scène ridicule du vide masturbatoire qu’elle nous fait subir.
Puis le film finit par faire du hors-sujet, quittant toute la réflexion sur l’image qu’il semblait vouloir aborder pour s’épancher sur un thriller politique platement mis en scène, plein de clichés sur la cruauté du pouvoir en place, et développant des personnages caricaturaux comme l’homme de l’ombre taiseux, véritable bras droit du pouvoir. De l’icône, il ne restera que les plans sur la propagande du pouvoir, ou un montage idolâtre à la télévision publique qui passe sous silence le coup d’état qui a eu lieu lors des cérémonies du 6 octobre (date de commémoration). La pilule bleue ne passe pas.
Eagles of the Republic de Tarik Saleh, le 22 octobre au cinéma