L’appel du vide

Critique | Sound of Falling de Mascha Schilinski | Competition (SO)

Deuxième film de sa réalisatrice, après un passage à la Berlinale en 2017 avec Dark Blue Girl, Sound of Falling de Mascha Schilinski s’est vu précéder dès son annonce d’une promesse d’OVNI cinématographique. Une première photo cryptique, un synopsis qui promettait une fresque sur quatre décennies à travers les portraits de quatre filles habitant la même ferme allemande, et Thierry Frémaux qui veut absolument récupérer le film pour inscrire la cinéaste à Cannes… Et voilà, la rumeur est lancée. 

Amies, entends-tu?

C’est par une gifle que débute Sound of Falling. Une gifle d’un père à sa fille Erika, cette dernière n’ayant pas rentré les cochons, préférant jouer  l’infirme. Une gifle qui nous coupe littéralement le son, puis un grand bourdonnement (« C’est presque lynchien » entendait-on dans les couloirs après la séance !!!), et Erika sous le choc, tourne la tête vers nous spectateur·ices, dans un sourire. À peine le temps de comprendre la violence de l’événement, la machine infernale est lancée, voilà que la fresque commence. 

La première demi-heure du film cultive le mystère, s’amuse à perdre son spectateur entre les différentes strates narratives. Les indices spatio-temporels sont minces, et Mascha Schilinski filme avant toute chose la matière en inserts et gros plans, des peaux, des textures, comme elle pouvait le faire dans Dark Blue Girl. De cette première gifle, un cycle de violence se perpétue, et résonne dans le destin de ces quatres personnages, avec un spectateur en témoin littéralement fantôme, flottant, irréel dans ses mouvements et dans sa texture d’image granuleuse. 

Ad Nauseam

Mais très vite, un problème de taille surgit dès l’arrivée de la première voix off d’Alma, la petite fille de la fin du XIXème siècle : une volonté de clarifier à tout prix ce qui était à la base opaque. Sur les longues 2h40, la cinéaste met en images (en en sons) des jeux de résonances et de miroirs entre les quatre histoires, souvent ad nauseam. Ce système peut fonctionner si la narration évolue suffisamment derrière, hors ce qui était compris au bout d’une heure de film ne fait que se répéter. Lorsque c’est une mimique d’un personnage qui se transmets d’une génération à l’autre (lorsqu’un personnage se mord dans la main, situation qui se répète avec la mère d’Alma au XIXème siècle, et la mère d’Angelica en Allemagne RDA), cela fonctionne parce que cela provient des personnages eux-mêmes, de leurs humanités. Lorsque le grésillement et bourdonnement sourd font vibrer pour la dixième fois les murs du Grand Théâtre Lumière, et qu’une nouvelle voix off explicite ce qui est déjà en jeu par l’image, c’est-à-dire la même pulsion de mort qui circule d’un personnage à l’autre, c’est très vite agaçant. Ce qui était annoncé comme l’un des outsiders de cette Compétition, une potentielle révélation cannoise, n’est finalement qu’un pétard mouillé.

Sound of Falling de Mascha Schilinski, le 25 juin au cinéma