Une baignoire

Critique | Bogancloch de Ben Rivers | Cinéma du Réel 2025

Titré d’un nom de maison, le nouveau Ben Rivers n’en provoque pas moins l’envie d’émettre des noms d’oiseaux. Tourné, monté, filtré comme une fiction, de parts en parts, Bogancloch sonne faux. Il surfe sur son semblant de réel, sur son vernis cramé, comme la croûte d’un coucher de soleil. On voudrait y voir une puissance de son personnage, Jake Williams, un peu de spontanéité, un peu de l’Écosse qui semble divine, or tout reste millimétré, calculé, et seul un chat ose regarder la caméra. Les deux hommes (dont l’un se cache bien derrière ses idées stylisées) semblent vouloir jouer à la saynète – provoquer de la mise en scène – toutefois la chose n’est pas donnée à qui veut ; il faut un peu plus qu’un noir et blanc, quelques chansons et trois beaux ciels pour se prétendre artistes ou atypiques. Toute patte n’est pas donnée. Mais c’est le jeu, faudra s’y faire ; et en s’y faisant, les effets peuvent malgré tout, parfois, se trouver séduisants. Hélas, trop fabriqués pour nous charmer pleinement.

C’est l’histoire d’une sorte de chaman blanc, marginal seulement aux yeux d’occidentaux urbains. Sous une sorte de chapitrage coloré d’images semblant être des photographies de villes, d’immeubles, de bitumes et de tout ce qui fait un peu trop sale dans un désir de nature, il stagne, oisif et calme, dans sa maison dite Bogancloch, par la lenteur d’un apaisement. C’est sa sphère, une atmosphère simple que Ben Rivers approche, le suivant en tentant comme possible de retranscrire cette simplicité sans n’y trouver d’autres solutions que la mauvaise : rendre la chose surfaite, non loin d’un immonde Gus Van Sant, autrement dit celui qui se frotte toujours au ridicule. Ici, ça frôle l’impur. À trop vouloir trouver la belle lumière, le beau reflet, la belle fumée, Rivers y perd en pertinence, son masque tombe. C’est un contraste du noir sur le blanc qui paraît lourdement appuyé, pressé à s’en vider de son jus. C’est une rencontre avec des jeunes élèves, causant du système solaire à l’aide d’un parasol, semblant nous dire que la vie terrestre est bien petite. Ce sont des constants allers-retours vers le ciel, tels des contre-champs à la finesse d’un camping-car. Et parlant cieux, tout se termine massivement sous l’œil de Dieu qu’un drone, à la manière d’un ange qui s’envole, permet. On lâche enfin Williams chantant tout seul dans sa baignoire (un bidon creux pour le cinéaste), pour mieux guetter de haut son cadre de vie, sa forêt environnante. Rivers s’en va de cette Terre pour un Cosmos que la dernière image – la suivante – illustrera effrontément, semblant nous murmurer que la lumière réside dans les planètes de ce néant éprit d’obscurité. Et de là on croit enfin comprendre ce noir et blanc omnipotent dans le film et qui s’avère finalement aussi trivial qu’insignifiant. Comme les humains, dirait sans doute l’autre.