Critique | Riddle of Fire de Weston Razooli, 2024
Le film commence ; trois gamins volent une console dans l’espoir d’y jouer avant de partir en colo’. La partie ne peut pas commencer : maman a installé un code parental. Malade, à l’étage, elle leur propose le mot de passe en l’échange d’une tarte aux myrtilles. Arrivés à la boulangerie, ils font chou blanc : la pâtissière est elle aussi malade. Après avoir toqué chez elle, ils se voient encore baladés : elle leur a donné la recette, mais un redneck a pris la dernière boîte d’œufs. Ils le traquent jusque dans une forêt reculée pour récupérer le précieux sésame, avant de se retrouver dans un drôle de bar nocturne-hippie-malfamé-perdu dans lequel, fort heureusement, une poule s’apprête à pondre un œuf.
Riddle of Fire, « conte du feu » comme il est parfois traduit, démontre le théorème maintes fois prouvé selon lequel le chemin est plus important que le butin escompté. Une conclusion adulte, mature même, faite par tout public de ce film américain indépendant, qui puise largement dans l’imaginaire de films cultes qui ont bercé l’enfance de nombre des spectateur·rices, Les Goonies en tête. Si la mise en scène de Riddle of Fire, douce et féérique, lui donne un cachet certain, un malaise subsiste : en étant à ce point indépendant, en ne se donnant aucune chance de devenir culte, en se limitant ainsi à un public de « grands enfants », que cherche à être ce film sinon une version réussie et branchouille de Stranger Things ?
Coincé dans un entre-deux systématique (trop naïf, pas assez potache ; trop de péripéties, pas assez de séquences marquantes…), le film ne réussit jamais totalement à transformer l’énergie que déploie son jeune casting en une flamme dévorante et inextinguible, qui atteindrait les lieux et les situations que la bande parcourt à travers la nuit. Lui aussi présenté à la Quinzaine des cinéastes en 2023, le film se trouve être, dans tous les sens du terme, une version mineure de The Sweet East : ce même motif d’une course qui rêve d’échapper à tout quadrillage, est ici condamné par un scénario bien trop verrouillé et ambitieux. S’il n’est pas encore tout à fait au point sur le format long, Weston Razooli sait au moins réussir sa fin : quand nuit et film touchent à leur fin, le merveilleux de la mise en scène survit, la mère-princesse se réveille, belle et guérie, entourée de quat’ mioches et d’une tarte aux myrtille. Et pour la savourer en toute tranquillité, elle leur susurre le mot de passe si durement conquis. Le film termine ; la partie peut enfin commencer.
Riddle of Fire de Weston Razooli, sortie le 17 avril 2024