Critique | Festival de Cannes 2023 | Semaine de la critique
L’ambiguïté du titre pourrait résumer à elle seule celle de son personnage principal, Lydia, une sage-femme un peu solitaire et très investie dans son travail. Un petit bébé me ravit le cœur, je ravis le bébé – je le prends avec moi, je le vole. Le mystère de son acte ne sera pas écorné par le film. Certes la voix-off ne vendra jamais la mèche, ne donnera que de vagues pistes, mais c’est d’abord parce que l’interprétation d’Hafsia Herzi est elle-même dans l’incompréhension face à ses prises de décision que le tout reste impénétrable. Un mauvais acteur s’échinerait à comprendre le geste de cette femme afin de l’incarner : elle est seule, elle n’arrive pas à avoir d’homme dans sa vie, être sage-femme lui est montée à la tête… Hafsia joue à ne rien incarner, elle ne pénètre rien. Son jeu se laisse porter par des pulsions : pulsion du mensonge, pulsion d’aller chercher la petite à la crèche à la place de sa mère, pulsion du ravissement final… Et c’est là la grande force du récit de Iris Kaltenbäck : non pas une étude de cas psychologique, mais bien une incarnation de la pulsion. Alors tout de même, on s’attriste que la caméra ne suive pas cette magnifique idée de « non-pénétration », puisqu’elle restera collée aux visages de ses protagonistes tout le film, la grande tare du cinéma contemporain ; on regrette aussi le peu de grandes séquences de mise en situation, comme celle du repas dans la famille de Milos. Mais on est sûrs d’être face à l’un des films les moins faibles de la Semaine.
Le Ravissement d’Iris Kaltenbäck, sortie le 11 octobre 2023