Critique | Festival de Cannes 2023 | Un Certain Regard
3h au Festival de Cannes, c’est toujours compliqués. Mais lorsque le-dit film passionne pendant plus de 2h30 avant la sentence fatidique qui s’abat sur le corps fatigué, c’est qu’il vaut les trois. Rodrigo Moreno, de la bande au « nouveau cinéma argentin », ouvre Los Delincuentes sur le braquage d’une banque. Ici pas de menace, pas d’explosion, pas de spectacle : c’est un simple employé comptable qui pénètre le coffre. Le magot ? Son salaire des 20 prochaines années multiplié par 2, pas plus, pas moins. Pourquoi par 2 ? Il compte proposer la même somme à celui qu’il fait son complice, un autre employé de banque.
« Los delincuentes » signifie en argentin « les délinquants », mais on aurait presque envie d’entendre en français un faux-ami, « la délicatesse ». Le film est doux, drôle et chaud, ensoleillé mais pas caniculaire. La délicatesse du film, c’est d’abord celle de ses personnages masculins, toujours un peu perdus et maladroits, jamais lâches. Román, par exemple, ne se dégonfle pas face à la menace de l’employée de la compagnie d’assurance, alors qu’on pouvait craindre un Crime et Châtiment bis. Délicatesse aussi, car l’histoire se déroule sur des terres enfantines : un trésor à cacher, la rencontre d’une amoureuse, la recherche d’un temps rien que pour soi, pour faire du cheval dans les plaines sans ne devoir rien à personne, par exemple. Délicatesse enfin, car s’entremêlent les lieux, les rencontres et les trajectoires des personnages, par notamment la consonance entre les prénoms et les jeux de hasard. Le point de départ de l’aventure, à savoir le braquage et l’argent, s’étiole et s’oublie au fil de ces 3h pour ne laisser que l’amour et l’amitié, puis dans les derniers instants, la liberté. Une fois la dernière heure rattrapée à sa sortie, on se promet de revenir dessus plus longuement.
Los Delicuentes de Rodrigo Moreno, sortie le 27 mars 2024