Critique | Koban Louzoù, Brieuc Schieb, 2024
Pousse de la terre une cabane herbacée. Il faut l’habiter, l’organiser, la structurer en évitant les erreurs d’ici-bas, renouveler notre mode de vie sans reproduire les cruautés délaissées.
Perdues dans un monde que plus grand monde n’arrive à suivre, cinq personnes d’horizons et d’humeurs hétéroclites cohabitent, excentrées, en tentant une nouvelle forme de vie – de survie. Sous un œil coquin mais inanimé – un œil de balai – qui, dépoussiérant quelques zones marginales et autonomes, sourire en coin, observe le tout avec un haut calme, ces résistants contemporains échangent, réfléchissent et se révèlent en assumant leurs failles de l’ancien monde, de l’ancien lieu. Ils veulent reconstruire, se reconstruire, trouver l’écart adéquat, faire bloc à un système d’autorités et de dépendances assommantes. Ils participent ensemble à l’élaboration d’un tiers-lieu responsable où la communication primera.
Lorsque le film débute, Audrey vient d’arriver – elle vient tout juste de retrouver Aymeric, Laurence, Kathleen et Baptiste, et comme le cinquième doigt d’une main, elle vient aider à l’empoignement d’un idéal, la prise de risque d’une alternative – rendre tangible une issue au capitalisme violemment hégémonique. Au milieu des désaccords inévitables, des couacs forcés et des points de vue opposés, il y aura de l’entraide, de la joie et du réconfort. Un nouveau paradigme.
Koban Louzoù, second film du jeune cinéaste Brieuc Schieb, en 59 minutes, provoque un renversement formel (politiquement et cinématographiquement) : il chamboule l’uniformisation du monde en renversant ses règles tout aussi scénaristiques que sociétales. Il n’y a plus de héros esseulé, mais une communauté naissante. Certes, la proposition devient de plus en plus fréquente, mais n’est-ce pas là l’aveu d’une nécessité ? Tout du moins, notre réjouissance. Les individus forment un bloc sans en perdre un instant leurs singularités qui les rendent si touchants, et l’évolution du film s’installe en un recueil fragmentaire de situations, de dialogues et de déplacements que l’écriture se voit métamorphosée en une fresque novatrice et foncièrement créatrice, jeune et (donc) pleine de vie – une peinture des interactions humaines, ces relations cabossées, à renouveler sans tarder. Pour autant, n’en perdons pas l’esprit critique ; perdurera devant notre admiration, le ridicule humain – ce pathétisme qui rend la vie si sublime et qui provoque, en moins d’une heure, la sensation d’avoir vécu pleinement et d’avoir guetté une vérité – une ouverture au monde puissante ou une grande œuvre, un grand film. L’art de demain accompagné d’un art de vivre.