Edito | FIFIB 2025
Chaque année au FIFIB, c’est bien sûr la compétition Contrebande qui réunit tous les curieux. Peut-être est-ce la promesse d’y trouver des images qu’on ne verrait pas ailleurs ? Assurément les dispositifs y sont souvent maigres, pas plus de 20 techniciens, pas de Arri, une idée géniale et des bouts de ficelle – le cinéma primitif. On enregistre et on verra bien, dans ce sens, pas dans l’autre. With Hasan in Gaza ou bien Autostop, mettent en retrait la technique – pas de directeur de la photographie ni tous ses machinos – et donne à voir une image qui tremble un peu, avec le relief des aberrations chromatiques, ou bien la lumière naturelle qu’on ne sculpte pas, des aspérités sur lesquelles l’œil s’accroche enfin. On n’est jamais sûrs de ce qu’on enregistre et ce n’est pas grave. Il n’y a pas 2 millions d’euros en jeu, on peut filmer dans Une histoire des ténèbres le caca, le sperme, la violence des rapports de domination. Et puis bien sûr il y a aussi tous ces courts-métrages qui donnent envie d’en voir encore, Au bain des dames ou frágil como una bomba… Peut-être un maigre regret, celui de découvrir des films présentés à la Berlinale, à Visions du réel, au FID, etc. Il y a comme le sentiment de n’être déjà plus vraiment dans la contrebande dès lors qu’un festival de catégorie A a validé tel ou tel projet, et l’exposition salvatrice de ce type de cinéma qu’est la compétition Contrebande perd un peu de ce qui fait sa force, découvrir-montrer des gestes en dehors des circuits.
A côté de ces joyeuses inventions se tient la grande sœur, la compétition Internationale. Si certains films préparent parfaitement leurs images, avec juste ce qu’il faut de contraste, juste ce qu’il faut de lumière, au point que le regard glisse et l’intérêt retombe – c’est le cas de La Lucha ou Un monde fragile et merveilleux – il faut aussi nommer des gestes affirmés et radicaux. Par exemple Roqia et sa caméra portée-possédée, qui filme la crasse et le sang des exactions de la décennie noire en Algérie. Aussi L’Arbre et l’authenticité, dont la première partie envoûtante se contente de plans fixes sur des arbres de la forêt congolaise et de relevés hydrométriques calmement lus en off. La différence entre les deux espaces de sélection est aussi faite de films parfois plus identifiés, et donne lieu cette année à la présence conjointe d’Aymeric Lompret en prof de sport et d’Emmanuelle Béart en maman de Léna Garrel, copine comme jamais avec Louiza Aura – seule présence inconnue au casting, seule force vive de Les Immortelles.
Tiré d’un court-métrage réalisé il y a 6 ans, la réalisatrice Caroline Deruas Peano, mère de l’actrice principale, filme une histoire aux accents autobiographiques, une amitié indestructible bouleversée par la mort de l’une d’entre elles. Bien sûr, ce n’est pas Lena Garrel qui disparaîtra la deuxième moitié du film, et le film se contentera de filmer banalement le deuil et le visage fermé de son héroïne, à croire qu’un personnage dévitalisé doit forcément donner lieu à une forme qui l’est aussi – de longues nappes sonores molassones mèneront à un final en musique incapable de faire poindre l’émotion, précisément parce qu’on n’a pas pu éprouver le silence, donc l’absence. Derrière les paillettes d’une caméra aux filtres de diffusion à la mode, on se demande in fine si seule la catastrophe est à même de créer chez les cinéastes le désir de raconter une histoire autrement trop pauvre ? Trop banale ? Le reste des films de cette très belle sélection milite heureusement pour le contraire.

