Édito | Jour 5 du Festival de Cannes
La modeste rédaction de Tsounami, parée de quelques badges presse (la classe) de couleur jaune (pas la classe) a eu le bonheur de découvrir des films en séance de Gala, c’est-à-dire la séance ultime, le rêve pour tout festivalier. La séance où tu montes les marches habillé comme un pingouin, où tu joues des coudes sur le tapis rouge avec de super stars dont tu te fous tout le reste de l’année et où tu applaudis dès l’apparition de cartons titres des différents vendeurs-distributeurs-producteurs, alors que c’est pas tes potes et que tu rencontreras probablement jamais. Si nous avons eu ce privilège par chance ou quiproquo (?) à quelques reprises, le gros de cette population invitée à être prise en photo par des précaires de la presse audiovisuelle ne répond pas vraiment à notre catégorie sociale. Mais comme nous n’avons pas eu le temps de faire circuler une enquête sociologique parmi les rangées, voici quelques caractéristiques de cette gente :
Le spectateur casse-couille du GTL qui ne s’intéresse pas au film.
Il vient pour monter 15 marches. Elle vient pour monter 15 marches dans une robe luxueuse et inconfortable. Il et elle viennent parce qu’ils connaissent quelqu’un de l’équipe du film (ou quelqu’un qui connait quelqu’un qui connait quelqu’un). Ils sont littéralement des parasites, des pom-pom girls de luxe. Ils essayent de prendre un selfie en douce sur le tapis rouge, mais se font rembarrer par la sécurité parce que c’est interdit.
Le spectateur casse-couille du GTL qui ne regarde pas le film.
Il regarde l’heure sur sa montre connectée ou rafraîchit la page ticket du Festival de Cannes dans l’espoir de retrouver, l’instant d’une minute, la sensation divine qu’il a ressenti quand il était sur un tapis rouge, protégé par des journalistes et des personnes jalouses de sa place. Quand il n’a plus de batterie, il parle avec sa voisine. Il doit sûrement lui raconter à quel point c’est génial de monter les marches du plus grand Festival du monde. Quand on lui hurle de se taire, le bourgeois en lui revient à la charge, très très très très violemment : « il n’y a pas à être violent comme ça… ». À Cannes, tout prétexte est bon pour faire autre chose que regarder un film.
Le spectateur casse-couille du GTL qui part quand il le souhaite.
C’est presque devenu une tradition au même titre que le café Nespresso gratuit du Palais : il faut partir au milieu du film. Il est toujours fascinant de regarder à quelle scène un spectateur casse-couille s’en va : c’est presque toujours aux meilleures. Un plan séquence qui touche à une certaine dureté de la vie sur le bateau de Magellan ? Tu pleures, il part. Simple comme bonjour. Au revoir.
Le spectateur casse-couille du GTL qui réserve toute une rangée pour ses « amis »
Évidemment on le fait parfois aussi, mais ça reste casse-couille. Celui qui prend toute une rangée alors que toi t’es seul, et que tu n’as plus d’autre choix que de regarder Sirat au dernier rang sur GTL. Celui-là, il est needy, il a besoin de se sentir aimé parce que « Cannes, c’est avant tout une expérience collective, tu vois ? ». Alors il prend toute une rangée, puis finalement ses amis ne sont pas venus et toi t’es coincé au milieu d’une autre rangée et t’oses pas te lever pour pas faire lever les autres. Non.
Le spectateur casse-couille du GTL qui commence sa nuit dans les fauteuils
Il y a forcément un ronfleur dans chaque séance. Plus le film est bon, plus un casse-couille rompiche fort. C’est dans ces moments qu’on lance un applaudissement.