Àma Gloria

Critique | Festival de Cannes 2023 | Semaine de la critique

L’ouverture de la Semaine… Si, comme chaque année, nous attendons de grandes découvertes de la part des festivals parallèles, force est de constater que ce qui donne le ton ici ne présente pas sous les meilleurs hospices la sélection – nous sommes à deux doigts de nous inquiéter du regard de Ava Cahen !!

En se concentrant sur Cléo, une jeune enfant française partie en vacances voir l’ex-nounou d’origine capverdienne récemment rentrée au pays, Àma Gloria se propose de cartographier à la fois la construction de la féminité et celle de l’individualité ; en témoigne les nombreux moments d’espionnage de la petite fille qui découvre l’univers des femmes, notamment avec la grossesse puis le bébé ; en témoigne la trajectoire d’émancipation en filigrane avec la figure masculine du récit, le fils de Gloria. L’entreprise aurait pu réussir si elle n’avait pas été placée sous le patronage d’une esthétique de l’empathie que Dhont ne renierait pas : de la musique, des gros plans sur des visages qui pleurent, du scénario et encore du scénario. 

Les trois problèmes de cet esthétique sont les suivants :

  1. On n’y voit rien. Jamais nous ne saurons dans quel environnement évolue les protagonistes puisque le peu d’arrière-plans qui apparaissent sont flous. 
  2. Écueil qui découle du premier : on n’y comprend rien. Qu’est-ce qui situe socialement les personnages entre eux ? Est-ce que le père de la gamine est riche ? Si oui, à quel point ? Et Gloria ? Elle est venue en France légalement ? Illégalement ? Elle semble pourtant avoir un certain capital puisqu’elle fait faire des travaux pour un hôtel… vous me direz que ça n’est pas là l’intérêt, je vous répondrais que « comprendre que si la gamine est autant attachée à la nounou c’est parce qu’en fait sa mère est morte » n’en a pas beaucoup plus. 
  3. Dernier écueil, qui découle des deux autres : c’est chiant.

A ce stade de la démonstration, il est inutile de commenter les séquences en animation qui parsèment le film tant ces dernières relèvent plus du cache-misère et de l’argument marketing que d’une véritable nécessité. Il est à craindre que de plus en plus de films d’auteur usent de ce stratagème pour se donner un cachet ; il est encore plus à craindre que ces mêmes films soient sélectionnés par des institutions censées être imperméables aux stratagèmes de ce type. Ne reste ainsi de ce film pas grand-chose tant on n’y apprend rien et tant on est déçus de voir la réalisatrice forcer sa formidable petite actrice à faire la gueule pendant 80% du film. Première leçon, donc, à retenir : ne jamais forcer les enfants à faire autre chose que s’amuser devant une caméra.

Àma Gloria, de Marie Amachoukeli, sortie le 30 août 2023