Critique | The Surfer de Lorcan Finnegan | Hors-compétition
Le reflux des vagues charrient parfois des objets qu’on avait oublié. C’est d’abord le cas de Lorcan Finnegan qui, après un passage remarqué par la Semaine avec Vivarium, n’était plus apparu – son second film Nocebo n’était sorti en France qu’en édition vidéo. Le revoilà pourtant avec The Surfer, et bien accompagné ! La séance de minuit de ce film présenté en hors-compétition marque le grand retour de Nicolas Cage sur la Croisette, avec une montée des marches qui consacre sa récente popularité retrouvée, dans le sillage de Pig et du méta-film Un talent en or massif.
Sur les côtes australiennes règne une loi implacable. « You don’t live here, you don’t surf here ». Le personnage qu’incarne Cage n’a qu’un seul désir, vivre ici – dans la maison de son grand-père -, et surfer ici – sur le spot de son enfance. L’antagonisme moteur du récit est donc simple : Nicolas Cage souhaite rester tandis que les « Bay Boys », le gang garant de la Luna Bay, souhaitent qu’ils partent, lui et son fils. Profitant de cette économie de moyen dramaturgique, Lorcan Finnegan choisit d’abord, pour faire vivre ce huis-clos sous le soleil aride d’un parking, le registre comique. La quête de Nicolas Cage est ponctué par de petits effets de style, comme des zooms, des gros plans sur les yeux, des plans larges souvent dépourvus d’ambiance sonore dramatique, un jeu outrancier du côté des personnages australiens, mais surtout par l’addition d’une sorte de musique-paillettes-féériques, qui ajoute auto-dérision et décalage par rapport à l’horreur de la situation – le personnage se fait littéralement torturer par le gang (tesson de bouteille sous la plante de pied, vol de la voiture, du téléphone, excréments sur la seule source d’eau potable).
Seulement voilà. Bloqué sur un parking sans possibilité de faire avancer son intrigue autrement que par une confrontation forcément au désavantage du protagoniste, il faut trouver une astuce pour tenir en haleine. C’est donc le scénario qui s’en charge, soutenu par des apparitions au montage de ce qui semble être des flash forwards dramatiques annonçant le pire : plus tôt dans le film, Nicolas Cage rencontrait sur le parking un clochard fou, qui peu à peu va s’avérer être son potentiel devenir, jusqu’à faire douter le personnage – et le spectateur -, jouant la carte du twist final éculé « le clochard c’était Nicolas Cage », et inversement. Un second twist éloigne heureusement cette piste mais dirige le film dans l’impasse de la surenchère. Ce qui était jusque-là un thriller à ciel ouvert devient un jeu de piste où la désorientation du personnage principal empêche le spectateur de se prendre au jeu, tout ça avant de tomber dans un grotesque épuisant, lorsque l’on assiste aux rites d’initiation du gang des Bay Boys.
Si voir Nicolas Cage galérer les lèvres sèches et la peau cramoisi pendant une heure est amusant, au bout de la deuxième, force est de constater que les revirements du film sonnent comme une tentative un peu ratée de relancer l’intérêt pour une histoire dont Lorcan a l’air de réaliser la maigreur sur le banc de montage – l’ajout d’un bestiaire australien par des inserts épaissit le travail sur les matières mais alourdit le rythme. La portée politique se télescope rapidement avec la volonté d’un divertissement sans prise de tête, et somme toute, la séance de minuit était tout à fait judicieuse. C’est le genre de films qu’on s’amusera à commenter et à référencer avec des potes en buvant des bières, à crier comme des teubés dans la cour de récréation « surfer, suffer, surfer, suffer » et « eat the raaaaaaat ». Alors, t’as la réf ?
The Surfer, de Lorcan Finnegan, avec Nicolas Cage, prochainement au cinéma