Thierry de Peretti et Clara-Maria Laredo nous parlent d’une Corse… à leur image

Entretien avec Thierry de Peretti et Clara-Maria Laredo pour le film À son image

On a tout vu ou presque de l’œuvre cinématographique de Thierry de Peretti : depuis Enquête sur un scandale d’État (voir notre critique dans notre n°6) au cinéma en sortie nationale, et ses précédents films de manière rétroactive, en salle ou en streaming. Sur Allindi notamment, formidable plateforme de streaming dédiée à la production audiovisuelle corse, découverte et poncée cet été. Lorsqu’on la cite auprès de Thierry de Peretti et Clara-Maria Laredo, on les voit se regarder et sourire, et l’on comprend aussitôt que l’entretien est plié, gagné d’avance, dans la poche. Il ne fait plus nul doute que la discussion sera passionnante (et puisqu’on a bien bossé, on parlera de tout le film, y compris d’éléments pouvant être perçus comme des spoilers…). La preuve : on avait demandé 30 minutes, on a poussé jusqu’à 40, et l’on s’est mis d’accord pour une heure au prochain rendez-vous, au prochain film, ou peut-être même avant…

Tsounami : À son image est une adaptation (du livre éponyme de Jérome Ferrari, ndlr), mais toutes les données de ton cinéma sont là : le cadre, l’histoire contemporaine Corse… Qu’est ce que tu as trouvé dans le livre que tu n’aurais pas pu faire, seul, avec une fiction originale ? Qu’est-ce qui t’as poussé à faire une adaptation ?

Thierry de Peretti : Plusieurs choses… Le personnage d’Antonia, tout d’abord, que je trouvais nouveau, en tout cas dans la fiction, avec la possibilité de cinéma que cela créait. Alors il y a aussi une réponse théorique qui est que le roman ressemblait à Une Vie Violente (son deuxième long-métrage sorti en 2017, ndlr). J’avais l’impression que le roman dialoguait avec, et que le personnage d’Antonia offrait un contre-point de cinéma au personnage de Stéphane d’Une Vie Violente. Donc un personnage féminin, en Corse. Je ne dis pas que ça n’existait pas hein, mais relié à cette histoire politique là, cela me semblait un peu nouveau.

Clara-Maria Laredo : Dans le cinéma et ailleurs… On n’en parle pas. Il y a tout un point de vue de l’Histoire qui est inexistant. Si tu regardes même des écrits sur le nationalisme, il n’y a que des hommes, il y a très peu de femmes qui se sont exprimées. Des hommes, parce qu’ils ont été plus amenés à prendre la parole, parce qu’ils sont plus touchés et concernés, même si en somme, il y avait aussi des femmes qui l’étaient…

TdP : Après il y a aussi une émotion du roman qui est extrêmement forte, et qui vient de sa forme : un mélodrame. J’ai aussi voulu adapter deux de ses romans, ce que je n’ai pas pu faire pour des questions de droits qui n’étaient pas disponibles, mais quand ses récits se passent en Corse, je trouve qu’il arrive à attraper quelque chose d’archaïque, d’une émotion qu’on reconnaît et qui est reliée à ce qu’on est, avec des récits qui sont toujours contemporain. Pas exotique. Et c’est au cœur de la question de la représentation, de ce récit là, à travers un personnage. Il se pose des questions : qu’est ce qu’on lui donne à voir, quels sont les récits qu’on lui donne à entendre ? Sachant que la Corse est un endroit où l’imaginaire a été court-circuité par des récits qu’on a fait de nous. Et là on peut remonter à Mérimée ou à Maupassant, qui ont écrit des récits consternants de colonialisme quoi ! Et on a intériorisé toutes ces visions, jusqu’à être nous même de temps en temps nos propres caricatures, de ce qu’on faisait, d’où on venait… Et au cœur du récit d’À son Image il y a ça : elle qui déconstruit, qui d’un coup questionne le théâtre. Le théâtre dans l’essence du terme, dans son sens fassbinderien : tout ça n’est que du théâtre, du cirque quoi. « Je ne vais pas regarder là où l’on me dit de regarder. Je vais regarder autrement, je vois qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas très bien. » Après c’est la première fois que je fais une adaptation…

T : Justement, quels choix ont guidé cette adaptation ? Par exemple, le personnage du légionnaire (joué par Alexis Manetti, ndlr) n’a pas une ligne de dialogue, il apparaît comme une silhouette. Il a une place très importante dans le livre, et malgré le fait que tu n’en parles pas, il est pourtant là. Finalement, le reste du roman peut exister, existe en hors-champ…

TdP : Alors si tu l’as retenu, je pense que c’est parce que ça vient de l’acteur, Alexis, qu’on reconnaît maintenant ! Il investit les plans d’une certaine manière. En plus, avec Alexis, on a déjà travaillé ensemble dans le précédent, et moi j’aime bien l’idée de la troupe, mais en même temps, entre les deux films, il est devenu un peu connu ! Il a eu un César ! *rires*

Non mais voilà, tu vois, quand tu dois décrire les personnages avec un regard neuf, là d’un coup tu te dis « ah mais c’est lui qui a déjà joué machin ! » Et c’est une tendance dans le cinéma qui moi à tendance à me révulser..! De se dire « je vais essayer de raconter quelque chose d’un peu vrai, mais de glisser quelques petits noms connus », il fallait échapper à tout ça. Les choix dont tu parles, ils se font sur le moment. On a énormément travaillé avant, sur les dispositifs narratifs et de mise en scène. Moi ce qui m’intéresse c’est le process’, prendre ce roman de Jerome, de dialoguer avec, de faire du cinéma, et de continuer à travailler avec ce matériau là tout au long du chemin qui mène au film. Après il y a des choix préalables : avec Jeanne ma co-scenariste, on choisit déjà ce qu’on garde, ce qu’on enlève… Mais après tous les accidents, les idées, les désirs qui naissent… il y a des décisions qui viennent très tardivement ! 

T : Tu as un exemple ?

TdP : Par exemple avec Alexis, on a tourné toute la partie à Calvi de manière beaucoup plus précipitée qu’on ne la pensait, et après ce sont des questions de montage. On voulait rentrer très vite dans « le passé s’ouvre » : elle ressuscite, et alors le passé s’ouvre. J’aurais pu avoir l’envie de passer tout le film à Calvi. Mais c’était un autre film. C’était la question d’Une vie violente : au départ ce n’était que la fin, puis le film s’est ouvert à cette idée de grand et long flash back.

Et dans le cas de À Son Image, ce n’est pas une décision prise à la dernière minute… Mais c’est tout un chemin qui fait que le personnage du légionnaire disparaît, surtout si tu le compares au roman. Et c’est toujours étrange parce que tu vois le film terminé. On ne peut pas se poser la question du processus en permanence. C’est un long chemin. Et dans les autres choix, c’est plus facile de parler de ce qui a disparu. Par exemple, il y a la messe des funérailles. Dans le roman, les funérailles structurent la narration, elles étaient très importantes au moment du tournage, mais elles ont disparu, assez tardivement.

T : Cette disparition était tellement remarquable par rapport au roman qu’elle avait l’air décidée depuis le début ! Presque, d’évacuer cette forme qu’a le roman.

TdP : Ça a été une décision sans retour. Mais parce qu’on a fait des essais où il y avait une, deux, trois fois la messe ! Mais parce que c’est des essais successifs, pas simplement au moment du tournage, aussi au moment des tests caméras, qui se retrouvent dans le film. Et on s’est rendu compte assez vite que la messe, qui était assez émouvante, avec toute l’homélie que j’ai dû apprendre par cœur (en plus de réaliser, il interprète aussi le prêtre, ndlr)… On ne pouvait pas passer autant de temps sans elle. Alors oui on pouvait être théorique, « elle est dans la caisse, elle est là ! »

T : Au milieu du cadre, littéralement ! *rires*

TdP : Mais c’est un vrai déchirement ! Un deuil de montage. Et en fait, de l’enlever, ça a libéré le film, ça a fait de l’air. Et, c’est peut-être un peu trop théorique, mais le film est la messe. Il est plein de choses, mais il est un seul et grand mouvement. Et c’est un processus littéraire déjà, de faire du montage. J’ai appris la mise en scène au théâtre avec Bernard-Marie Koltes, notamment un texte qui s’appelle Quai Ouest. Et d’un texte de 600 pages, il en a retiré les choses les plus importantes dans le roman. Et je trouve que c’est un geste de poète sûr et fort, et en même temps, ça reste. Alors au cinéma on dit que c’est dans le hors-champ, en littérature dans le hors texte. Mais donc au montage je n’ai pas trop la main qui tremble, et ce n’est pas qu’une question de rythme, c’est une question de mise en scène, de cinéma. Qu’est ce qui rend les choses plus sensibles ? Qu’est ce qui dilue, qu’est ce qui augmente ?

T : Sur ce point, le film se distingue assez sereinement des autres. Par exemple, il y a cette voix off. Ça amène un ton romanesque et c’est un retour au littéraire par exemple. À l’écriture, ça doit tout changer ! Clara-Maria, comment as-tu appréhendé le tournage vis-à-vis de cette voix off, qui raconte beaucoup du récit ?

TdP (à Clara-Maria) : Tu l’as écoutée au moment du tournage toi ?

C-M : Non, c’est surtout Marc’antonu (l’interprète de Simon, ndlr) qui l’écoutait. Je savais qu’elle existait, mais ça n’était pas quelque chose d’important, en tout cas dans ma façon d’appréhender les choses. Je prenais les infos au jour le jour, c’était la première fois que je faisais un film, je n’avais pas d’autres options..!

TdP : La voix off c’était très important. Avec Jeanne Atekman (la scénariste, ndlr), on avait très envie de considérer le film comme un film muet, au contraire d’Enquête sur un Scandale d’État, qui était un film qui parlait, mais parce que c’était les personnages ! J’ai recroisé pas plus tard que ce matin, dans la rue, le journaliste que joue Pio Marmaï dans le film, et il m’a tenu la jambe pendant genre 20 minutes ! Parce qu’il est passionné et journaliste, mais d’un coup ça m’a rappelé les raisons de pourquoi j’ai fait ce film. Donc on voulait que ce soit différent, on pensait à des films quand on a commencé à écrire, à la manière de certains films d’Hou Hsiao-Hsien, de Marker, du Roman d’un Tricheur, du Tabou de Gomez… Parce que ça libérerait les personnages, des acteurs du poids d’avoir à tout jouer. Et assez vite est venue la voix off.

T : Et muet ne veux pas dire silencieux : le film est rempli de musique ! Elle sert de transition d’une scène à l’autre, elle prend en charge la narration…

TdP : C’est à dire que c’est plein de films en même temps. J’ai envie que ce soit Hou Hsiao Hsien, et à la fois le Napoléon d’Abel Gance ! Tu parles de la musique et ça m’y a fait penser, je l’ai vu cet été et j’ai été impressionné ! Donc cette envie de résoudre le problème du « plusieurs films », c’est de raconter de plusieurs manières, et donc avec pleins de narrateurs. La voix off ne raconte pas comme Antonia, qui ne raconte pas de la même manière que la musique. Ils font des liens entre des images, des époques et des idées, en l’occurrence sur la Corse. Mais pareil, la voix off s’est achevée tardivement. Il a fallu d’abord décider à qui appartenait cette voix. Et je sais que si je décide à l’écriture, au tournage j’aurais décidé autre chose. Et donc à l’écriture on a fait des essais avec Antonia durant le montage, sur le modèle de Millenium Mambo où le personnage principal parle d’elle à la troisième personne. Mais c’était théorique, ça marchait pas, il y avait une espèce de froideur un peu trop mentale. On a essayé le personnage de l’oncle, mais pareil ça alourdissait et rendait le tout un peu pathos. On a tente ensuite Antonia et Pascal : les morts. Et c’est en fait avec Simon qu’une dynamique s’est créée, il est à la fois l’amie d’enfance, l’amoureux, l’admirateur…

C-M : … et celui qui reste ! Et qui sera dans l’après surtout. Qui choisit une autre voie, qui pourra dire « je vais vous raconter de ce que je me rappelle et de ce que j’ai perdu… »

TdP : Il y avait quelque chose de l’ordre du deuil qui était très beau. J’aimais bien l’idée que l’on reconnaisse tardivement qui est cette voix. Le moment où il dit « il a fallu qu’elle couche avec moi, ne serait-ce qu’une seule fois… » ça arrive au deux tiers du film. J’adore ce genre d’effet où d’un coup on dévoile. Mais la musique fait un autre récit des choses, en direct je dirais. Parce que la musique, c’est beaucoup d’essais au montage, mais comme je le fais en direct au tournage ! À la fois Les Bérus (les Béruriers Noirs, dont on entend Salut à toi dans le film, ndlr), mais pour ça c’est le côté pauvre et punk de la chanson, qui tout d’un coup raconte le film. C’est à la fois fait de pleins de couches différentes, mais très pauvre dans l’élaboration : juste une boite à rythme, et une voix. Et on voit toutes les questions de folklore, de la lutte nationaliste en Corse, et ça reste cohérent.

T : Cela rajoute de la densité. Par exemple, le chant lors de la scène de la fête du village, s’il n’y avait que celle-là, ça aurait été juste folklorique, alors que là, montée avec toutes les autres, un réseau se crée.

TdP : Oui : un son + un autre son = un nouveau son. Mais c’est quelque chose de personnel, c’est-à-dire que quand j’avais l’âge d’Antonia, j’étais assez éloigné des questions d’engagement politique nationaliste, parce que mes envies à moi étaient d’écouter du son, de voir des films. Donc c’est une manière de dire que l’engagement passe aussi par la musique.

T : Comment interprétez-vous le titre ?

C-M : (un temps) Dieu a fait l’homme à son image… Je prends les choses dans cet ordre là. Le film est une réflexion sur l’image en somme, et ça résonne pour moi avec les dernières photos du film. Ce sont ses images qui sont à son image… Finalement elle a toujours recherché la vérité, c’est ce à quoi elle a consacré sa vie, à travers la photographie elle cherchait à saisir, en dehors et en dedans. Et ces images à la fin crient le vrai. Et elle n’est plus.

TdP : Le titre anglais c’est On His Own Image, donc c’est une référence biblique directe. J’aime bien, mais j’ai hésité quand même. Souvent d’ailleurs les gens ne se souviennent pas du titre !

T : En écrivant la critique pour Tsounami, j’ai découvert que le « à » pouvait s’entendre dans un sens honorifique. En l’honneur de, ou lorsqu’on lève son verre à. Le film devient un hommage à son image, celle de fin justement. Tu l’avais pensé ce sens là ?

TdP : Pas du tout. Et puis j’en avais presque un peu honte, je m’en suis pas rendu compte. Et puis bon on fait un film, qui parle de l’image, À son Image au moins c’est clair !

C-M : on a le thème quoi ! *rires*

TdP : Non mais en plus je me suis fait tous les titres : Comme une Image, Le Livre d’Image… Mais c’est vrai que la question de l’image pose plein de questions. On peut se dire que c’est un film qui se feuillete aussi. On va assez vite sur les choses. Que ce soient les événements politiques par exemple, il y a un flux.

T : C’est une fresque. Mais le livre aussi propose des segments, qui amènent son lot de digressions. Est-ce que ça a existé à l’écriture, ou pas du tout ?

TdP : Alors ça a existé dans ce que raconte la partie du prêtre plus jeune, dans l’épisode de la révélation. Parce que je la trouvais si dynamique cette partie, ce futur prêtre qui fait la fête, remonte au village à pied parce qu’il n’a plus de voiture, qui est perdu et qui d’un coup voit la lumière de la fenêtre allumée du vieux prêtre. Il se dit « Il est mort, je vais prendre sa place ! » Et sur la révélation je trouvais ça fabuleux ! Et toutes les autres parties sur les photographes, je n’ai jamais eu la tentation de les mettre en scène. Mais j’ai toujours voulu un film qui, d’un coup, part ailleurs. Belgrade incarne ça. Il est à la fois relié et complètement en dehors de la trame principale.

T : Et puis tu encapsules toute la séquence avec la musique de Maria Violenzia (Quannu iu moru, ndlr).

TdP : Totalement.

*L’attachée presse arrive, on demande une petite minute pour parler du cinéma corse en général, et Thierry en demande cinq, parce que « c’est important d’en parler »*

T : Clara-Maria, tu n’es pas actrice de formation. Est-ce que les films corses sont vus en Corse, est-ce que Thierry est connu, quelle est la place du cinéma, de son cinéma ? Parce que pour nous sur le continent, on est obligé de fouiller, on tombe sur Allindi…

C-M : Alors, est ce qu’on utilise beaucoup Allindi en Corse ? Non, mais on l’utilise quand même. Est ce que Thierry est connu en Corse : oui. Est ce qu’on voit ses films : oui. Je me souviens que je n’avais pas vu Une Vie Violente quand j’étais en seconde, et d’avoir dit ça à une réunion de nationalistes c’était LA HONTE. J’avais l’impression d’avoir tué quelqu’un. Mais du coup je l’ai vu le soir même, en me disant « bon… ». Honnêtement, après ça a une importance. Il y a beaucoup de comédies sur la Corse, mais ce n’est pas le format auquel j’adhère. Le Royaume (de Julien Colonna, prévu pour le 13 novembre, ndlr) et celui-ci sont particuliers finalement, parce qu’ils vont traiter sur deux toiles de fond différentes du rapport à la violence de cette société, avec justesse, et ne pas rendre ce récit folklorique, pas uniquement corse. De montrer un microcosme avec ses codes propres, mais existant et tout aussi intéressant que ceux du continent.

TdP : Les films sont vus. On a fait onze avants premières cet été, elles étaient toutes pleines à craquer, les gens viennent. Quand t’es cinéaste, c’est très gratifiant de faire ça, parce que quand tu fais un film en Corse tu sais que, à un moment donné, tout le monde l’aura vu. Ça circule et ça discute. On ressent quelque chose d’inédit de parler de nous même, mais pas que pour nous. La dynamique de cinéma est différente, on est 350 000 en Corse, et il y a trois films cette année, il y en a d’autres qui arrivent, c’est assez remarquable ! 

T : Il y a une cinéphilie en quelque sorte ?

TdP :Il y a une cinéphilie, Il y a une cinémathèque de Corse, une unité de réalisation, des salles, et une volonté de parler politiquement. Et Allindi propose toute forme de contenu. À la fois des longs, des courts, des unitaires… Il y a eu des films en Corses dans les années 1970, 1980, mais des personnes qui n’ont pas eu accès au financement, donc ils se sont tournées vers l’audiovisuel, avec des succès plus ou moins notables. Pour nous, les films sortent, ils sont vus, on écrit dessus, c’est super important. Et quand on revient, les films sont vus avec beaucoup de sérieux. En Corse on nous demande « mais du coup, sur le continent ils ne doivent rien comprendre, c’est tellement particulier » et ici « et en Corse, comment le film est perçu ? ». C’est intéressant au moment de la pensée du film de te dire que le film aura d’office cette double interprétation, que le film va métaboliquement se transformer selon le public qui le regarde. Mais il faut le relier avec quelque chose qui ne fait pas partie du cinéma : il y a des auteurs et autrices Corses. Il y a Jérome, mais pas que. Il y a de l’art.

T : Parce qu’il y a un affect identitaire fort ?

C-M : Ce n’est pas un affect identitaire, c’est une société particulière. Des us et coutumes très différentes. Et c’est très particulier pour moi quand je pars, et que je reviens en Corse. C’est des normes que j’ai intériorisé, qui quand je pars arrivent à se dissoudre. Mais quand je reviens je suis directement reprise par tous ces codes… Il faut le vivre pour le comprendre. 

Entretien réalisé à Paris par Nicolas Moreno et Corentin Ghibaudo, le lundi 2 septembre 2024.

À son image de Thierry de Peretti, au cinéma le 4 septembre 2024