Au reflet de la jeune fille aux roseaux

Critique | The President’s cake de Hasan Hadi, 2025 | Quinzaine des Cinéastes

La Quinzaine des Cinéastes se définit comme « l’espace privilégié de découverte de nouveaux talents », soit une description qui caractérise plutôt bien le premier long-métrage du l’irakien Hasan Hadi, qui concourt par ailleurs pour la Caméra d’or. Il est de notoriété internationale que la Quinzaine a vu naître les plus grands cinéastes de l’Histoire du cinéma. Et il est d’ailleurs bon ton de se gargariser de la présence d’un réalisateur dont la nationalité est « rare » pour diverses raisons (souvent politiques). Assurément The President’s cake est une découverte, mais surtout, un talent est né. 

Hasan Hadi filme un moment particulier de l’histoire contemporaine de l’Irak, une époque où le dictateur Saddam Hussein était au pouvoir et où les États-Unis bombardaient le pays au point de faire des milliers victimes civiles. Double victimes. Malgré cela, un intertitre au début précise que dans un contexte où l’Irak croule sous les bombes, sa politique est condamnée par des résolutions de l’ONU. Peu importe, le dictateur souhaite célébrer son anniversaire. À l’école, Lamia est désignée pour cuisiner un gâteau pour le Président, quand bien même elle avait feint d’aller aux toilettes. Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, sa grand-mère (« bibi ») ne peut plus s’occuper d’elle et l’amène dans le centre, loin des roseaux du sud pour être adoptée par une nouvelle famille. De ce point démarre la fuite de Lamia et sa recherche des ingrédients perdus, pour préparer « la meilleure invention de l’être humain ». 

The President’s cake est habité par la présence du dictateur, à qui est voué un véritable culte de la personnalité. Des affiches partout (dans la salle de classe, typiquement) et des slogans à sa gloire sont scandés par les élèves : « Avec notre âme, avec notre sang, nous nous sacrifions pour toi, Saddam ». Un culte lui est rendu dans toute sa polysémie, exerçant alors sur la population un terrifiant pouvoir de nuisance. Le réalisateur, dans une approche naturaliste, reconstitue les années 1990, et recrée la plupart des lieux du film. Cette forte sensation de réel passe également par la direction d’acteur-ices non-professionnel-les, qui découvraient pour la première fois les affres du tournage. Et en épurant son montage, le cinéaste a fait le choix de ne conserver plus que la pureté des émotions. 

L’arrière-plan de l’histoire établi, le film prend l’aspect d’une quête pour Lumia, accompagné de son meilleur compagnon de route, le coq Hindi, et de son jeune ami Saeed. Hindi – personnage à part entière – figure comme un levier comique et caustique pour le film : le chant du coq apparaît comme le signe de Dieu, comme s’il sauvegardait la morale religieuse. Par exemple quand le personnage vole (pour cuisiner, et non pour manger directement), elle se repent à la mosquée. Les déambulations dans les rues sont autant d’occasions de prendre le pouls d’un environnement : il y a le vendeur libidineux et la cliente enceinte prête à sacrifier son corps pour que les enfants puissent avoir du sucre, le tueur de coqs étrangement gentil, assurément pédocriminel, des flics incompétents, un acteur qui fait une blague sur Dieu et les acteurs, et une bibi qui se démène pour retrouver sa petite-fille enfuie… Le tout habillé par un fond sonore qui ne laisse place à l’interprétation : un homme bientôt marié est aveugle à cause d’une bombe états-unienne, la grand-mère en proie à un malaise ne peut être soignée à cause des sanctions de l’ONU qui entraînent la pénurie de traitements. Il faudra retrouver le calme sur une barque, voguer sur les marais la nuit, puis voir dans le reflet de l’eau, les contours d’une bibi aimée. Le gâteau est servi, bombardements intempestifs. 

The President’s cake de Hasan Hadi, prochainement au cinéma