Inshallah un fils

Critique | Festival de Cannes 2023 | Semaine de la critique

Farhadi fait des émules ailleurs qu’en Iran ! Après Feathers en Egypte, c’est en Jordanie qu’un scénario, dont l’issue est verrouillée par les structures patriarcales, administratives et religieuses, suit les galères d’une veuve et les subtilités légales qui encadrent son héritage. L’affaire aurait pu être réglée soit en vendant le pickup de son défunt mari, soit en se remariant – ou en couchant – avec son collègue infirmier. Mais comme Andromaque, Nawal ne transigera jamais avec, ni sa fidélité, ni sa dignité. Tragédie ! Le nœud gordien est noué car la seule solution n’en est plus une : tomber enceinte de son mari et de leur dernier essai a priori infructueux. 

Si le salut de Nawal – et donc celui du film – réside ainsi entre les mains du grand démiurge scénariste aux manettes, l’issue n’importe que peu. Tout ce qu’il faut montrer l’a été pendant l’épuisement des fausses solutions à disposition. En ce sens, les drames du Moyen-Orient sont bien souvent marxistes, peut-être même malgré eux, car les structures là-bas ne se cachent pas. Elles pèsent avec force, elles prennent les esprits, façonnent le corps social sans offrir une seule issue. Les premières victimes ? Comme partout, les femmes. Ici peut-être plus qu’ailleurs, on en conviendra. Alors bien sûr, la précision du montage et de la mise en scène de Farhadi n’y sont pas aussi présentes qu’on le souhaiterait, et l’actrice est parfois agaçante : elle ne module que peu l’intensité de ses mines désespérées. Mais la mécanique l’emporte et on ressort soulagé de ce qu’on est en droit d’appeler sans rougir un bon premier film.

Inshallah un fils d’Amjad Al Rasheed, sortie le 6 mars 2024