Critique | Festival de Cannes 2023 | Semaine de la critique
Ce film belge a tout pour plaire : des acteurs amateurs, pas vraiment de lignes narratives, juste la volonté de faire le portrait d’une banlieue campagnarde, et plus particulièrement celui d’un foyer prolétaire au père manquant – mort – et à la mère absente – alcoolique. La grande sœur, bientôt 18 ans, et le petit frère, 15 ans, sont au centre du récit. Le premier plan, fixe, large et sans coupe, laisse du temps pour l’action. Les choses se déroulent lentement, au rythme de la vie, celui des courses qu’il faut porter jusqu’à chez soi car ni l’un ni l’autre n’a le permis. Bon. A priori, c’est du bon. Alors pourquoi en fait c’est pas très bon ? La quatrième raison va vous surprendre par sa complexité !!
- Parce que les plans larges laissent rapidement la place à des dialogues montés en champs contre-champs, sans doute pour masquer le fait que les acteurs ne s’en sortent pas si bien que ça.
- Parce que les dialogues passent leur temps à signifier à voix haute ce qu’il se passe à l’écran.
- Parce que le jeu des acteurs est lui aussi constamment dans la performance et la significance : il faut rire à tel moment, être pas content à tel autre moment… ça crie, ça se chambre, mais ça parait toujours artificiel.
- Parce qu’il n’y a jamais une seule grande séquence qui dure un peu longtemps. Les rares scènes les plus intéressantes se comptent sur les doigts d’une main. Parmi elles :
- Celles avec le petit copain parvenu de la grande sœur qui lui fait la morale sur ses choix de vie et qui lui fait comprendre qu’il ne veut pas vivre avec une prolo.
- Celles avec le petit frère et son pote :
- Notamment le larcin du vélo,
- et la séquence de sa revente aussi.
- A la rigueur, celle où le petit frère noie un bourgeois qu’il essaie de faire fumer avant de lui extorquer 3 francs 6 sous pour la taffe qu’il a tiré sur le joint.
- Parce qu’on est quand même à des années lumière de la grandeur de La Vie de Jésus, de Bruno Dumont et beaucoup plus proche du Retour de Catherine Corsini. Ça en dit long, n’est-ce pas ?
J’aurais aimé éviter de tourner en boucle critique après critique, mais quand l’esthétique dominante est reprise de film en film, les critiques deviennent, par la force des choses, aussi interchangeables que les séquences insipides qu’on nous sert. Alors s’il faut répéter en boucle : pas de gros plans qui cachent l’ancrage sociale et territoriale des personnages portés, pas de caméras portées paresseuses et imprécises, pas de champs contre-champs qui ennuient au bout du cinquième raccord, pas de scénarios qui asphyxient qui la vie, pas de psychologie, pas de représentation… je le ferai.
Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï, sortie le 3 avril 2024