Levante

Critique | Festival de Cannes 2023 | Semaine de la critique

Pourquoi l’imaginaire de la condition féminine est-il à ce point similaire d’un film à l’autre ? Les histoires de femme sont-elles donc toutes les mêmes ? Pourtant, j’ai souvenir de L’une chante l’autre pas, de Jeanne Dielman…, aussi des Sorcière d’Akelarre, et encore hier de Mambar Pierrette… Alors que se passe-t-il lorsque Levante semble être un parfait copié/collé de Tiger Stripes ? Bien sûr, il y a quelques différences :

  • Le sujet = l’avortement (vs les règles) ;
  • Le lieu = le Brésil (vs la Malaisie) ;
  • Le contexte = une équipe de volley (vs une école élémentaire) ;

Mais l’esthétique est rigoureusement identique :

  • De la musique stylée ;
  • Des jolis couleurs ;
  • Du scénario émancipateur ;
  • Encore du scénario, avec un soupçon de drama ;

Tout ça pour arriver au seul mot d’ordre valable : les femmes sont des sorcières et des guerrières ! Très bien, soit. Le résultat des courses est le suivant :

  • Les matchs sont mal filmés ;
  • L’actrice principale joue l’unique émotion «  faire la tronche » pendant tout le film ;
  • Y’a une pseudo-relation avec le père-super-gentil-et-compréhensif ;
  • Sofia n’a jamais l’air d’être un membre à part entière de l’équipe, elle est toujours filmée comme « à part » : plus forte au volley que les autres, plus de problèmes que les autres… Le nombre de plans où Sofia et son équipe sont dans le même cadre se compte sur les doigts d’une main.

Et le réel dans tout ça, où diable se cache-t-il ??? Nulle part. Il y a bien la scène où elles vont chipper des trucs au supermarché qui fait sourire parce que le film s’amuse enfin un peu. A part ça… Le sérieux est de mise. L’avortement est une question sérieuse, donc il faut la représenter sérieusement. Voilà le problème et la raison des similitudes d’un film à l’autre. Il se passe que Levante  est un film-qui-représente. L’imaginaire de la condition féminine est entré dans le domaine de la représentation. Levante a ses tags sorority, female power, feminism, LGBTQIA+, ses spectateurices sur lesquels le distributeur peut capitaliser… C’est un film qui navigue en zone connue, balisée, déjà cartographiée ad nauseam, bien loin des zones troubles qu’il faudrait explorer et dont il a trop peur. Levante est un film commercial, ou plutôt, prêt à être commercialisé. Pourquoi ? Il tient dans un PowerPoint. Il fait commerce de la condition féminine. Comment ? Il la représente, il se tient loin de sa matérialité, il ne l’effleure même pas. Et c’est ainsi qu’il rassemble et ressemble à tous ses prédécesseurs et tous ses successeurs : rien de politique, rien de subversif, rien, tout pour le fric.

Je serais gré aux fachos de bien vouloir arrêter de mettre à mal le droit à l’avortement et de laisser les femmes tranquilles, ça évitera à certains-certaines de faire des mauvais films en pensant bien faire.

Levante de Lillah Halla, sortie le 22 novembre 2023