Martin Jauvat : « Je ne pense pas être très drôle du tout »

Entretien avec Martin Jauvat réalisateur de Baise-en-ville |Semaine de la Critique

Après un nombre incalculable de va-et-vient entre les différentes plages de la Croisette pour trouver cette fameuse « Croisette Beach », je rencontre Martin Jauvat, le corps ensablé, maillot de bain bleu, pas de bob, chaleureux comme le jour et pas fâché avec le bonheur. Un café qui déborde presque, nous nous installons dans la poudre sableuse accompagnée du doux son des vagues et d’un DJ en feu (et c’est parti !!!). 

Parlons du film, partons des images. 

Tsounami : Une première chose me frappe dans Baise-en-ville, ce sont les maillots de foot de Sprite, notamment le maillot rouge de Manchester United, qui semblent avoir un apport plus visuel que partisan. Comment penses-tu les costumes de tes personnages ? 

Martin Jauvat : C’est autant partisan que visuel, je suis un mega fanatique de foot. Je suis un dingue ! Toi aussi ? (sourire). Et d’ailleurs, Rachida (Dati, ndlr) est venue au film car je l’avais croisée le jour de PSG-Arsenal et j’avais le maillot Opel gris (du PSG, ndlr) parce que j’allais au parc après. Elle m’a branché sur le foot et c’est pour ça qu’après elle a pensé à aller voir mon film. Mes films ne parlent pas vraiment de foot, mais moi, je ne mets que des maillots de foot, avec mes potes, tout tourne autour du foot, et mon club d’enfance c’est Manchester United. C’est pour ça que dans le film, il y a plein de maillots de Manchester. J’en avais un aussi dans Grand Paris (son précédent film, ndlr). Ce que j’aime bien avec les maillots, c’est qu’ils redonnent de la couleur là où j’ai l’impression qu’on en perd de plus en plus au quotidien. Les gens s’habillent super sombre, terne, avec des couleurs mornes. Et je trouve que c’est toute la vie qui le devient un peu. (Courte interruption de William Lebghil). Je trouve ça beau aussi car ce sont des garçons qui mettent des couleurs qu’ils n’oseraient pas nécessairement mettre dans d’autres contextes, notamment le rose piquant. Ça rééchante. Je kiffe les couleurs vives globalement et j’essaie d’en mettre dans les films pour créer une espèce de bulle comme ça qui nous rapproche de la bande-dessinée pour enfants et en même temps ça dit un peu un truc pas sociologique mais fashion, de streetwear… Moi, dans la vie de tous les jours, je mets tout le temps des maillots de foot. Et enfin, ce truc de couleurs que tu assumes de porter via le foot. J’entends encore des gens dire que le rose c’est une couleur pour les filles. C’est débile. J’aime bien mettre en avant le fait qu’aussi, être un garçon, c’est porter des couleurs comme ça. 

T : Tu parles du réenchantement par les couleurs, et un remède à l’ennui. Comment as-tu pensé la mise en scène de l’ennui ? 

MJ : C’est drôle que tu dises ça, parce que j’ai fait plusieurs films qui parlaient avant tout d’ennui, et là, j’avais moins l’impression que c’était le cœur du truc. En tout cas, c’était pas dans mon intention. Après que ça flirte, ça ne m’étonne pas vraiment. Effectivement, ce personnage au début s’ennuie. Et son ennui est un peu métissé avec de la déprime. Parfois, c’est dur de savoir si tu ne fais rien parce que tu t’ennuies ou si tu es dans une léthargie qui fait que tu n’as pas goût à la vie. Lui, c’est un mélange des deux, et c’est ce que j’ai vraiment vécu. 

T : Donc, il y a une part autobiographique dans le film ? 

Une grosse part autobiographique, oui. Sur la question de la dépression, des maillots de foot, du permis de conduire, de l’interim, des ruptures amoureuses, sur la vie de famille, sur cette forte sensation de déclassement après le lycée. Moi, par exemple, j’avais des bonnes notes au lycée et c’est vrai que j’aidais pas mal mes camarades. Il m’est arrivé de recroiser des gens qui réussissaient mille fois mieux que moi et qui me renvoyaient un sentiment de lose «  t’avais tout pour réussir, mais t’es vraiment une merde », des trucs vraiment durs comme ça mais sans le vouloir. La scène de l’arrêt de bus, je l’ai vraiment vécue. 

T : J’ai l’impression que de la question de l’ennui découle la solitude du personnage. 

MJ : Oui, c’est ça. Le gars revient, tout le monde taffe. Ses potes, soit ils n’habitent plus là, soit ils ont un boulot. Il est seul et ne croise jamais personne de son âge. Le seul gars qu’il croise, il lui renvoie vraiment le nez dans sa galère. Et il y a cette fille à la fin, qui mène une existence complètement différente de la sienne, et qui est flic. C’est plutôt l’inverse de ce qu’il fait lui. Effectivement, il y a une énorme solitude, même si le gars est tout le temps accompagné. Et j’ai l’impression que ces duos qu’il crée avec les différents personnages qui croisent sa route mettent encore plus en valeur le fait qu’il est tout seul. En vrai, il est assez badant le film je trouve. 

T : L’humour est un vernis, presque un remède au désenchantement. 

MJ : Exactement. 

T : À travers l’humour, je trouve que tu réussis à décrire le réel de celles et ceux qui n’ont pas vécu dans les grandes villes, dans la présence au monde, avec un référentiel commun, l’ennui. Comment as-tu vécu le fait de présenter ce film dans un grand festival devant des gens qui étaient potentiellement extérieurs à cette réalité ? 

MJ :  Woooow, je dois être vachement crevé parce que quand t’as dit ça, ça m’a donné des frissons. Ça m’a ému en fait. J’ai du mal à me rendre compte de ça. En fait, quand je fais le film, j’ai envie de faire des blagues et de faire rigoler les gens, mais au fond de moi, je trouve ça important l’histoire que j’essaye de raconter. Ça me tient énormément à cœur. J’imagine un mode de réception où les gens se disent « oh, c’est sympa, c’est divertissant ». Toi, tu as cette dimension en plus, mais je n’essaie pas trop d’y rêver, même si j’ai senti cette émotion-là dans la salle. Pas juste des gens qui rigolent. Je l’assume dans le film, il y a un truc existentiel où je rattache l’infiniment anodin à quelque chose d’universel. En ce sens, j’avais peur que ce soit quelque chose de mainstream, de perdre ma singularité. Je ne pense pas, en vrai. C’est une question qui me travaille tout le temps. J’ai toujours l’impression que je n’ai rien à foutre là et justement d’être comme une sorte de virus, de bug dans la matrice. Et moi, ça m’amuse vachement, j’aime bien être un outsider. Je me sentirais super mal à trop faire partie du système. J’ai vraiment galéré à faire des films, j’ai toujours eu l’impression de ne pas être vraiment voulu, et ça a été aussi un carburant. Et puis de le présenter à Cannes, en plus avec la ministre de la Culture, je me dis que c’est tellement absurde, absurde qu’elle vienne voir le film d’un petit mec du 77 qui fait des blagues hyper potaches avec ses potes : j’ai l’impression que c’est une quête annexe dans ma vie. En parlant de Cannes, je trouve qu’il y a beaucoup de films pas oufs, y’a un côté cirque, comédie humaine. Mais il y a aussi souvent les plus beaux films du monde qui y passent. Je ne me dis pas que c’est parce que le film est à Cannes que ça veut dire grand-chose. Mais je suis hyper heureux, et ne déconsidère pas la sélection qui m’a accueilli. Je pense qu’il reste du boulot. Je ne sacralise pas Cannes, mais en même temps, à la fin de la projection, j’étais complètement soufflé par une émotion que je n’ai pas du tout vu venir, alors qu’en général je m’en sors avec une petite pirouette. Là, je n’ai pas su… Probablement aussi parce que c’était hyper long (rires) les applaudissements. J’étais super gêné en vérité. Et ça, je ne m’y attendais pas. J’ai vécu des trucs assez fous que je n’aurais jamais cru vivre ces dernières années, pas que je me sentais anesthésié, mais je commençais à prendre l’habitude. Là, j’étais complètement désarmé. 

T : Pour revenir à que tu disais au début avec ta singularité et les moyens employés, il y avait dans Le Sang de la veine (son premier court-métrage, ndlr) et Grand Paris un côté « cinéma fauché ». Pour Baise-en-ville, le budget a été multiplié par 20 par rapport à Grand Paris. Comment as-tu appréhendé en amont ton nouveau film avec ce budget inédit en considération ? 

MJ : C’est par la force des choses que je n’ai jamais pu faire des films avec de l’argent.  Avec Baise-en-ville, j’ai pu aller au bout de ce que j’avais envie de faire parce que pour moi, être fauché, c’était une contrainte et ça a fait une force et une identité, mais je l’ai subie à l’origine. Et peut-être même qu’avec le budget pour Baise-en-ville,  j’en ai profité pour tester le truc et que je suis allé trop loin là-dedans. Sur le tournage, je n’arrêtais pas de dire que j’étais saoulé car il y avait trop de monde sur le plateau, trop de costumes, trop de décors… Je pense que j’aimerais bien réfléchir et revenir à un entre-deux. Après Grand Paris, c’est tellement fauché que c’est dur même physiquement, humainement et psychologiquement. C’est une souffrance pour soi et tu fais aussi souffrir les équipes, ça n’est pas mon délire. Là, on a bossé dans de superbes conditions. Et au-delà du budget, c’est aussi le scénario, le concept du film qui me semble un peu mainstream, le fait de se rattacher à une forme de comédie populaire, parfois même à des stéréotypes de comédies qui sont moins dans mon ADN. Et j’ai l’impression que j’ai réussi à me les réapproprier, mais je restais toujours mal à l’aise par rapport à ça… Mais en même temps, je savais que je n’allais pas faire Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?  

T : Alors, quelles sont tes influences ? 

MJ : Wes Anderson, c’est une énorme réf’ ! J’ai été transformé par Moonrise Kingdom quand j’étais au lycée. J’aime beaucoup Bottle Rocket… Mais maintenant je n’aime plus, mais à la fois, son dernier, il paraît qu’il est bien donc je vais y retourner… L’Île aux chiens, je n’ai pas kiffé… Mais à la fois, lui, il est dans une forme d’abstraction, il crée un monde de poupées. Et moi, je trouve intéressant de reprendre des outils de cette esthétique mais en les implantant dans une réalité presque naturaliste, dans les façons de parler, les trucs anodins, les références culturelles, le verlan. L’idée est de faire entrer en collision une esthétique tellement maniérée avec un truc hyper contemporain. Ça crée un décalage. C’est marrant parce que je n’ai pas l’impression que ça se fasse beaucoup en fait. Et encore plus quand tu prends l’angle politique en te demandant comment définir les « films de banlieue ». C’est quoi ? La drogue, l’immigration, la violence… C’est rare de faire un film positif ou drôle. Une comédie sur la banlieue, c’est hyper rare, non ? Ou alors, elle va reposer sur des clichés ou encore sur des discriminations. Ainsi, faire une comédie de banlieue en s’inspirant de Wes Anderson, je trouve que ça donne de l’originalité. 

Pour la comédie, SuperGrave, Frangins malgré eux, Zoolander, Pineapple Express, 21 Jump Street, c’est ça que j’aime. Dans SuperGrave, ils osent être super grossiers. En France, ce n’est pas facile. Et je vais te surprendre peut-être, mais il y a Philippe Lacheau qui est inspirant. Il a quelque chose de formaliste, assez généreux. Il fait des comédies très visuelles, très gagesques. Je ne sais pas si j’adore ses films mais je crois que c’est un auteur, et qu’il est sous-coté. 

T : Parlons de l’écriture. Est-ce que tu penses d’abord à des punchlines et ensuite tu écris autour de celles-ci des situations, ou des situations à l’intérieur desquelles tu insères des punchlines

MJ : Je ne sais jamais si des blagues vont être drôles ou complètement passées à la trappe. Et là, depuis que le film est passé, il y a des gens qui me disent qu’une phrase spécifique est drôle, d’autres m’en citent une autre. Pour moi, c’est une phrase parmi les autres. Sur Grand Paris, j’avais un peu cet effet-là. Des phrases que tu peux citer, comme ça. Et avec Baise-en-ville, je me suis dit « merde, je n’en ai pas, le film est vraiment moins bien… ». Enfin, j’imagine la situation et après je projette l’enchaînement des dialogues. Je ne cherche pas à être drôle. Je ne sais pas comment l’expliquer, il faudrait que j’arrive moi-même à intellectualiser ça. En général, je m’amuse juste à partir d’une citation que je trouve rigolote et je déroule le truc en m’imaginant comment les gens avec leurs personnalités bien trempées créent du décalage et des frictions. Mais je ne cherche pas le bon mot. C’est un rapport instinctif à l’écriture. 

T : Tu es donc instinctivement drôle. 

MJ : Je ne pense pas être très drôle du tout. Je pense que c’est dans les films. Peut-être que c’est le contexte « film » qui rend les choses drôles. Mais en tout cas, je ne me casse pas la tête à trouver des bonnes répliques. Si ce n’est pas le premier jet, ça va devenir trop théâtral, fabriqué et peu naturel, et moi je n’aime pas ces dialogues-là. Donc ça doit être la situation de départ qui crée un contexte favorable à faire entrer des blagues, mais je ne vais pas m’autoproclamer instinctivement drôle (rires). Moi, je pense que je peux aller assez vite, parce que quand je suis en forme, je fais des blagues très vite, liées à la répartie. 

T : Est-ce que tu réécris beaucoup ? 

MJ : Souvent, j’ai l’idée de départ depuis plusieurs mois. Au moment où je trouve le truc et que je me dis que je peux commencer à écrire, en général, ça ne prend pas longtemps, une ou deux semaines pour la première version. 

T : Et pour les personnages, tu avais des acteurices en tête? Par exemple, pour le personnage d’Emmanuel Bercot. 

MJ : Non ! J’ai tout réécrit pour elle. Non c’est simple, tu changes juste l’âge, deux ou trois mots… J’aime bien m’inspirer de la façon de parler des gens, imaginer qu’ils peuvent vraiment parler comme ça sans changer le texte pour que ça devienne naturel dans leurs bouches. Je n’avais vu aucun film ni avec ni d’Emmanuel Bercot. Et je regardais les interviews d’elle. Je l’ai trouvée super. Elle a un truc rentre-dedans, assurée. Je la voyais me malmener. À la base, Marie-Charlotte était un poil plus jeune, j’ai dû rajouter dix ans. C’était le personnage le plus important du film. 

T : Au-delà du tien ? 

MJ : Moi, je suis dans la réaction. Je n’apporte pas grand-chose. Je suis un peu « une andouille à lunettes » comme l’a dit un article que j’ai lu sur le film. (rires) En vrai, moi, je n’ai pas trop de personnalité, et en même temps, parfois, je reprends le lead, je fais des petits moves. Mais Bercot, c’est le cœur du casting. Mais aussi peut-être que je ne me considère pas comme un problème, un risque. Je me disais que le film c’était ça de toute façon. Le truc c’est que j’incarne tellement le ton du film que je fais que tous les gens autour du moi ont ce même ton. Directement, on trouve notre harmonie ensemble. On s’accorde. 

T : Mais ton personnage est celui que l’on suit et qui évolue… C’est un personnage passif qui prend son destin en main, ce qui renvoie à l’univers et ce plan d’ouverture et de fin. C’est quoi ton rapport à l’univers ? 

MJ : C’est existentialiste (rires). Je suis très passionné par la science-fiction. Je me demande comment il est possible d’être dans cette immensité. Ça demande une sacrée gymnastique au jour le jour d’être un être humain, d’avoir conscience de l’infini et de faire ses courses et de se dire « oh merde, les fachos sont en train de prendre le pouvoir ». Les voyages dans l’espace, l’au-delà, la possibilité d’une autre vie, d’une civilisation, cet exotisme interstellaire, et ça crée un décalage avec la façon traditionnelle de filmer la banlieue, cet appel cosmique. Quand j’ai commencé à développer ce film, je me suis dit que l’histoire était tellement insignifiante, tellement minuscule que je trouvais intéressant d’en avoir conscience et de rattacher l’infiniment grand à l’infiniment futile. Un peu faire une déclaration d’intention : j’ai conscience que cette histoire est banale et anodine et je vais essayer de lui apporter une dimension supplémentaire. C’est aussi esthétique. En tant que spectateur, mon film préféré, c’est 2001 : l’Odyssée de l’espace. Dès que j’allume une caméra, j’y pense. Et je n’en fais pas des hommages ni des références, juste ça m’irrigue. C’est l’’idée d’en garder une trace quelque part. 

T : Avec tout ce que le film charrie, quelle est ta sensation quand tu apprends que Rachida Dati est présente dans la salle et qu’elle est témoin des réactions très enjouées à certaines blagues ? 

MJ : Je pense qu’elle a conscience que la plupart des gens dans le cinéma ne sont pas fans de Macron, et qu’en allant voir le film d’un jeune banlieusard qui était à l’ACID il y a trois ans, ce n’est pas impossible que ça ne soit pas un manifeste macroniste. Après, je trouvais ça absurde et étonnant comme choix. C’est dingue de sa part d’aller voir un film qui s’appelle « Baise-en-ville », premier film qu’elle va voir à Cannes. De sa part, c’est assez drôle. Ça aurait été plus simple d’aller voir un truc de la Compétition. C’est un geste de fantaisie, non ? Elle était déjà dans le délire du film, en fait. (rires). Je ne partage pas ses convictions politiques, mais je ne pensais pas un jour présenter un film à Cannes, et encore moins avec Rachida Dati, le siège devant moi. Elle a eu l’air de ne pas être très expressive pendant la projection contrairement à certaines personnes de son équipe qui donnaient l’impression parfois de lutter contre le rire. C’était assez jouissif à voir. Effectivement, il y a eu un petit soulèvement populaire anti-Macron. Je ne suis pas du tout fan de Macron, moi (rires). Je le trouve assez méchant, il méprise les gens. J’enfonce une porte ouverte mais il a dit un truc qui m’a semblé fou : « une gare c’est un endroit où il y a les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien ». Réduire au néant quelqu’un, c’est tellement misanthrope. Et donc ça, la start-up nation, la méritocratie… J’avais un peu peur en apprenant que la ministre viendrait, que les gens se disent que j’étais un vendu, facile à corrompre. Au contraire, ça a donné matière à une sorte de liesse populaire. La séance 

était dingue. Au-delà des rires, il y a un moment politique fort. Moi qui fais des comédies légères, un peu l’air de rien, je ne pensais pas entendre d’aussi gros applaudissements quand je moquais la macronie, car j’ai de la bienveillance même pour les personnages vraiment à l’opposé de ce que je pense du monde. J’avais peur qu’on dise de moi que j’étais macroniste, pas tranché. 

T : Et dans ton film, tu fais de la politique sans didactisme ni militantisme déguisés, tu démontres que par l’humour, tu fais de la politique. 

MJ : Le problème quand tu dilues, dans la légèreté ou le pas de côté, c’est de ne pas être compris. Mais je suis super content car j’ai été hyper reçu, au-delà de ce que j’espérais. Je trouve ça plus efficace de rigoler des choses plutôt que de les prendre en pleine gueule. Les films profondément militants, je les trouve ennuyeux, alors que j’ai moi-même une vision de la politique assez radicale. Je trouve que ça alourdit les films. 

T : Ton premier long-métrage était à l’ACID comme La Bataille de Solférino de Justine Triet, Baise-en-ville est à la Semaine comme Victoria, le deuxième film de cette même réalisatrice, est-ce que tu imagines dans deux films toucher la Palme d’or ? 

MJ : Je ne serai jamais en sélection officielle. C’est impossible. Justine est extrêmement talentueuse, j’ai le même producteur (Emmanuel Chaumet, ndlr) qu’elle à ses débuts, que j’adore. Jamais, je ne me comparerai à quelqu’un d’aussi talentueux. Je me dis que peut-être je ne reviendrai jamais à Cannes, c’est pour ça que je profite à mort, là. Ce n’est pas un objectif d’avoir des prix. Je n’en ai jamais eu, c’est peut-être pour ça que je le dis d’ailleurs. C’est tellement dingue de pouvoir raconter des histoires avec ses ami-es, de voyager pour les présenter, de donner des émotions à des gens. Les prix, ce n’est pas une bonne motivation de faire du cinéma. Le cinéma, c’est un truc d’énorme bourgeois alors qu’à la base l’artiste est censé être le plus populaire, le plus accessible. 

Entretien réalisé et retranscrit par Sacha Maunoury le 19 mai 2025, sur la Croisette Beach.