L’Innocence

Critique | Festival de Cannes 2023 | Sélection Officielle (Compétition)

Kore-eda est vieux. Comment je le sais ? Parce qu’il fait des films de vieux. En trois parties, son film promet d’abord un affrontement kafkaïen de la violence de l’administration, puis revire vers des horizons presque-réac’ sur la difficulté des victimes de fausses accusations, pour terminer sur une romance homosexuelle pré-adolescente hyper convenue. Problème : Kore-eda n’a ni la précision de Jung, ni la malice d’un Moretti, ni la grandeur d’un Guiraudie. Comme un vieux, il fait des films de vieux parce que tout est bien rangé, tout est à sa place. Les trois parties se répondent absolument en tout, jamais de mystère. Plus le film avance, plus il se referme comme une coquille, ne s’ouvre jamais à l’imprévu, ne cesse d’envoyer valser ce qui faisait sa force – l’une des grandes forces du cinéma -, l’ellipse et le hors-champ. L’incertain, donc. 

Le bâtiment qui crame ? En fait on pense que c’est la faute du premier petit garçon, sauf qu’on découvrira qu’en fait c’est le deuxième petit garçon, mais en fait c’est parce que le papa du deuxième allait dans un bar à hôtesse et que ça dégoûte le petit garçon qui en fait se fait brimer parce qu’il a des amis garçons et donc qu’il est soupçonné d’être homosexuel par son papa qui lui est vraiment un bonhomme – là aussi une séquence pour l’expliquer. C’est un cinéma de vieux, parce que, comme Spielberg, il a peur de perdre les deux du fond qui n’ont pas activé leur appareillage, ou l’ont oublié à la maison. Il ne faudrait pas que qui que ce soit ressorte de la séance avec quelques questions. Bref, d’une situation rigolote et improbable, on chemine sur un sentier où les balises se font de plus en plus nombreuses et fluorescentes. L’arrivée ? Les deux enfants qui courent dans les champs en criant. Lukas continue de faire de mauvais émules… Sauf que, depuis ce matin, Tiger Stripes fait hurler les enfants, Le Règne animal les adolescents, et maintenant Monster à nouveau les enfants… Les personnages qui courent et qui hurlent vont-ils devenir une mode au cinéma ? Il faudrait vérifier, c’est peut-être déjà le cas ; il me semble même que la palme d’or 2022 se terminait sur une course. Est-ce qu’il criait ?

Ce film m’indiffère assez. Kore-eda un génie ? Je vérifierai plus tard. En relecture depuis ses toilettes à Paris, mon red-chef me dit que non, que sa plus grande œuvre est son autobiographie… la loose. Bref. A ce cinéma figé dans lequel la vie n’opère plus, à cette ligne de dialogue sirupeuse « tout ce que tu ne peux pas dire, alors souffle-le », je réponds en soufflant, pendant la séance et dans ma critique. « Pfffffff ».

L’Innocence de Hirokazu Kore-eda, sortie le 27 décembre 2023