Décrire plutôt qu’écrire

Critique | The Village Next to Paradise de Mo Harawe | Un Certain Regard

Premier film du réalisateur somalien Mo Harawe, The Village Next to Paradise n’a pas d’autres ambitions que de présenter la vie d’une famille d’un village à côté de Paradis, le nom de ce qui semble être la petite ville des environs. Un père son fils et une tante, et puis leurs histoires et les personnages qui gravitent autour d’eux. Pas plus que ça et ça suffit. Pourquoi devrait-il y avoir plus pour faire un film ? Économie de moyen jusque dans le récit, a-dramatique dans les trajectoires narratives qu’il détaille. La tante divorce puis se remarie et finit par ouvrir son local à couture, le père fait de son mieux pour subsister et permettre à son fils d’aller étudier au pensionnat, le petit garçon d’abord malheureux de la rupture avec son père finira par la consommer et se concentrer sur son futur. Le seul obstacle sur leur route à tous ? L’argent, forcément. Moteur de l’économie, moteur du récit, c’est cette donnée qui préside à leurs trajectoires respectives. Par exemple le remariage de la tante est ce qui lui permet un prêt à la banque. 

Bien sûr cela va de paire avec une économie de moyen dans ce qu’il donne à ses acteurs, qu’on devine pour certains amateurs. Personne ne s’agite, mais surtout, chaque dialogue se déploie autour d’une écriture triviale. Lorsque l’ami du petit garçon, qu’il retrouve sur la plage, tous deux séparés par une langue de mer, lui demande « pourquoi tu ne racontes plus tes rêves ? », il répond « parce que je ne m’en souviens plus ». Question simple, réponse simple. Cette modalité esthétique permet de couper court à tout lyrisme, de permettre aux acteurs de ne pas avoir à jouer, mais aussi de rendre concret ce qui se joue. Toujours décrire plutôt qu’écrire. La caméra, souvent en plan large, ramène les séquences au rang de constats : loin d’être acteurs de leur propre vie, Mo Harawe nous fait comprendre que les habitants de ce village près du paradis sont avant tout des forces qui agissent et réagissent, et le film nous emporte pendant deux heures là où des gens essaient de vivre comme ils peuvent, c’est-à-dire un peu comme partout.

The Village Next to Paradise de Mo Harawe, avec Canab Axmed Ibraahin, Axmed Cali Faarax, Cigaal Maxamuud Saleebaan, prochainement au cinéma