Critique | Festival de Cannes 2023 | Semaine de la critique
Le projet de Lost Country se révèle le long d’un scénario bipolaire – à deux pôles – quelque peu paresseux. Le film alterne entre, d’un côté une politicienne menteuse et corrompue, mère du jeune Stefan, le personnage principal, de l’autre les camarades écœurés par l’ascendance du garçon. Dans une vaine tentative de créer du rythme, on navigue entre ces deux axes narratifs comme un nageur consciencieux barbote entre les deux bords de sa piscine, c’est-à-dire, longueur après longueur, en touchant chacun d’eux à pleine main. Le nageur curieux, lui, aurait exploré chaque recoin, nagé sans but pour son bon plaisir, au milieu ou le long des bords ; en d’autres termes, le film aurait pu brouiller les pistes, par exemple n’explorer qu’un seul des deux univers – le quotidien familial ou le quotidien scolaire -, laisser droit à l’ellipse ou au hors-champ… mais non. Le projet est clair et lisible. Il faut faire des aller-retour pour montrer à quel point le monde écrase ce pauvre enfant, à quel point les extrêmes se rejoignent et ne laissent pas la place à une parole juste et sincère. Si Macron faisait des films, nul doute qu’ils y ressembleraient. Tiraillé, donc, entre l’allégeance qu’il doit à sa mère et le rejet de ses amis – et même de son amoureuse ! – Stefan passe son temps à subir et ne rien dire. Bien sûr, cette passivité, qui tient plutôt de l’empêchement, pourrait être un bel objet cinématographique à mettre en scène… si ce n’était pas la quinzième fois qu’il se faisait bolosser par ses proches sans réagir. Tout ça finit par agacer, jusqu’au point où la perspective de son suicide réjouit plutôt qu’elle n’effraie. Pas parce que son calvaire prend fin mais parce que le film est enfin terminé. D’ailleurs, pour ceux qui ne connaissent rien au contexte politique de la Serbie/Yougoslavie à cette époque, sachez que vous resterez ignorant. Un peu dommage pour un film historique, non ?
Lost Country de Vladimir Perišić, sortie le 11 octobre 2023