Le monde du silence

Critique | Flow de Gints Zilbalodis | Un Certain Regard

Si le début du Festival était une célébration du chien, la seconde semaine est dédiée à nos amis les chats, qui plus est dans un genre que Thierry Frémaux pourrait qualifier de « rare » en sélection cannoise : l’animation. Après Anzu, chat-fantôme présenté à la Quinzaine, c’est au tour d’un Certain Regard de dégainer son film d’animation félin avec Flow. Un chat noir sauvage vaque à ses occupations en forêt. Une grande inondation apocalyptique détruit tout, et notre pauvre petit chat va devoir survivre, entre la grande catastrophe et les autres animaux avec qui il doit faire équipe : un lémurien, un grand oiseau, un chien et, pour notre plus grand bonheur d’amateur de memes Internet, un capybara. Comment cohabiter et faire preuve d’empathie en temps d’apocalypse ?

De prime abord, le film a un grand pouvoir de séduction : sa beauté plastique et son animation 3D. Les environnements sont d’une grande richesse de matières (feuillages, eau, bois du bateau), de lumières et de couleurs, un monde présenté dans sa diversité, de la forêt animale aux ruines d’un monde humain à peine disparu. On pense aux jeux vidéos de Fumito Ueda, aux ruines de The Last Guardian et du gigantisme que procurait Shadow of the Colossus. Quant aux animaux, l’émerveillement est total tant leurs mimiques, réactions et déplacements sont justes (l’iris des yeux du chat par exemple), et font fondre les cœurs de tendresse. Chacun a sa caractérisation (le capybara paresseux, le chien joueur ou encore le lémurien voleur), et la dynamique de groupe est fascinante à suivre sur une heure vingt, d’autant plus que le film se passe de dialogues : un show don’t tell terriblement efficace.

Mais le plus admirable est sans doute la mise en scène de Gints Zilbalodis, qui prend le pari de rendre sa caméra aussi fluide que l’eau. Les possibilités de l’animation lui permettent de se faufiler partout, et de donner à cette odyssée toute sa pleine grandeur : les nombreux plans séquences qui jalonnent le film sont limpides, jamais tape à l’œil. Un exemple parmi une dizaine : le chat tombe à l’eau, on le suit dans sa lente descente dans les abysses avant qu’une gigantesque baleine ne le fasse remonter à la surface. Le réalisateur sait très bien guider notre regard dans son cadre, offre merveilleusement à contempler son univers. Chaque cut devient alors signifiant, ressenti par le spectateur. 

Avec sa fable poétique, Gints Zilbalodis propose une expérience sensorielle assez unique, ramenant le cinéma à sa première fonction d’attraction. Un certain regard, assurément. 

Flow de Gints Zilbalodis, prochainement au cinéma.