Asteroid City

Critique | Festival de Cannes 2023 | Sélection Officielle (Compétition)

Qui eut cru que l’intérêt pour Wes Anderson reviendrait au moment où tout le monde semble s’en lasser ? Bien sûr subsistent quelques îlots de résistances qui accompagnent le mouvement timide amorcé par l’auteur depuis The French Dispatch. Tsounami n’était pas de ceux-là… jusqu’à Asteroid City. La radicalité chez Wes Anderson prend une forme différente depuis ses deux derniers films, et c’est bien dans celui-là que se remarque avec le plus d’évidence une narration plus erratique, saturée d’une superposition de dialogues virevoltants, portés par un jeu dont le caractère robotique n’a jamais été aussi, non seulement criard, mais surtout pensé. Comme dans ses précédentes œuvres, tous les potards cinématographiques sont à fond, mais cette fois-ci à un point tel que les rares fissures poétiques que Wes dispose en chemin semblent déborder sur tout le reste : l’apparition du petit alien et la discussion avec Margot Robbie, chacun sur son bout de balcon. 

La facette dépressive de son œuvre a gagné l’épaisseur et la présence dont elle avait besoin pour s’incarner tout à fait. Il est intéressant de noter à cet égard le dysfonctionnement qu’orchestre Wes au sein de son propre univers, d’habitude hermétique aux cailloux dans la chaussure : les cadres ne sont plus parfaits comme avant, c’est parfois trop, parfois pas assez, des mains se baladent bord cadre… et puis il y a aussi cette voiture en panne et son bout de moteur qui gigote, sorte de symbole d’un monde qui ne marche plus, qui ne tourne plus rond. Désormais, chez Wes Anderson, on se brûle la main parce qu’on se brûle la main. La narration disparaît, le cadre n’est plus immuable, les explications psychologiques s’étiolent, ne reste plus qu’un mal-être étrange qui traverse et relie tous ces personnages au sein de séquences où, enfin, tout peut à nouveau arriver. Bref, Wes Anderson n’est plus le dictateur qu’il était. Une force en lui résiste à lui-même, in extremis, ne répond plus d’aucune autorité et emporte. Quel plaisir de voir un auteur se faire résistance, et quelle impatience nous prend de voir la suite !

Asteroid City de Wes Anderson, sortie le 21 juin 2023