Critique | Exposition | Événement Chantal Akerman
En parallèle à la rétrospective dédiée à Chantal Akerman, l’exposition présentée au Jeu de Paume jusqu’en janvier 2025, Chantal Akerman. Travelling, propose un regard élargi sur le travail de la cinéaste, qui, dès les années 1990 se laisse tenter par la dimension ludique de l’art et continue ainsi ses explorations spatiales. De la même manière qu’elle navigue entre les genres cinématographiques, elle oscille entre les dispositifs et opère un passage de la salle de cinéma à l’exposition. Et celle-ci est bien plus qu’une simple célébration de son cinéma : elle s’inscrit dans une démarche de réactivation d’une partie de ses œuvres, une redéfinition des récits et des lieux où ils prennent vie.
Une première salle et des portraits de femmes. Un jeu avec le temps, la répétition, des images et des mouvements. Une énumération de parties du corps, un regard sur soi, une réflexivité In the mirror (2007) et une duplication, fois sept et un écart avec Woman Sitting after Killing (2001). Se faisant face — les œuvres, le public, le miroir — le corps est dans tous ses états, entre agitation et introspection, perturbation et ébullition. C’est se retrouver au bord de soi et au bord des vingt-quatre écrans fragmentant le tout. D’EST, Au bord de la fiction (1995) est une entrée chirurgicale, un remontage comme des possibilités infinies pour retourner dans le film tout en se situant hors le champ. Une (re)découverte — une continuité. Ici, la reproductibilité du médium permet une multiplicité, l’espace est repensé pour créer une narration nouvelle, la linéarité est brisée pour une reconfiguration de la mémoire en temps réel. Le dispositif se transforme, du film à l’installation. Et alors, le vingt-cinquième écran.
Faut toujours écrire, quand on veut faire un film, alors qu’on ne sait rien du film qu’on veut faire.
Un dévoilement qui se poursuit dans la salle d’archives et où les processus de création de la cinéaste sont exposés. Des extraits de scénarios, des bouts de pellicules, des notes d’intention, des coupures presses, des souvenirs en images des tournages et des repérages. Une manière d’entrer dans l’intimité et de voir des films autrement, par les documents.
Il faut retourner pour finir, remonter les images, observer les dos des écrans jusqu’à entendre Une voix dans le désert (2002) et attendre que le film disparaisse. Une toile à la frontière et le texte survit. Il faut que quelque chose survive et cette survivance se poursuit dans Selfportrait/Autobiography: A Work in Progress (1998) où Akerman revisite ses propres archives — films, installations, écrits — pour constituer un autoportrait-autobiographie. Là encore, la narration s’efface pour laisser place à une lecture-voix d’Une famille à Bruxelles. La voie/x d’Akerman nous restera.
À travers une déambulation — manquant parfois de vide — Chantal Akerman. Travelling instaure une relation au passé et une articulation libre entre les images, les sons, les écrits permettant le lieu même d’une permanence, au-delà du cinéma, une expérience : des ressassements.
Exposition Chantal Akerman. Travelling à découvrir jusqu’au 19 janvier 2025 au Jeu de Paume.