Une pour Toutes, Toutes pour Une?

Critique | Les Filles du Nil de Nada Riyadh et Ayman El Amir | Semaine de la Critique

Le film s’ouvre sur une baignade quasiment primitive : la caméra surgit littéralement de l’eau du Nil, et filme un paradis de sororité.  Le plan est large, aéré, plein d’espoirs. Six jeunes femmes dans un petit village d’Égypte liées par leur appartenance à un groupe de théâtre de rue. Le théâtre comme prise de pouvoir de cette jeunesse. L’une veut être chanteuse, une autre actrice, et toutes se dressent face à un système copte patriarcal et anxiogène. Se dessine déjà un énième schéma de représentation peu inspiré de cette confrontation jeunesse-société.  

Et le principal problème du film ne tarde plus très longtemps à apparaître : si le fond de cinéma documentaire est là, la forme, elle, l’est moins. Le régime d’images, pauvre, reste le même durant une heure quarante : caméra épaule, plans moyens… Les choix de cadrages semblent choisis par défaut, avec un automatisme du geste documentaire basique et qui ne questionne jamais sa forme, notamment dans la seconde partie lorsque s’amorce un changement de situation par rapport à la sororité promue en amont. C’est dommage, puisque le geste de cinéma se déroule sur quatre ans, laissant place à une évolution qui pouvait être plus passionnante, le groupe se dispersant au fil du temps pour ne devenir qu’une somme d’individualités. Aucun changement formel ne vient accompagner cette dissolution du groupe, la monotonie crée l’ennui.

Mais c’est dans la mise en espace de cette sororité du théâtre de rue que le duo de cinéaste Nada Riyadh et Ayman El Amir continue d’intéresser. On est comme face à une belle illustration du Lieu à soi prôné par Virginia Woolf : « La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. » Les répétitions dans une salle dédiée, les représentations publiques dans la rue avec un jeu entre actrices et public. Les craintes anticipées en début de récit s’actualisent à l’écran, et la séquence d’ouverture apparaît comme une promesse de cinéma qui ne sera jamais tenue. Rien de neuf sous le soleil, finalement. 

Les Filles du Nil de Nada Riyadh et Ayman El Amir, prochainement au cinéma